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    Message par Jean Mar 10 Mar - 14:28

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    Message par Jean Mar 10 Mar - 14:28

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    Message par Jean Mar 10 Mar - 14:28

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    Message par Jean Mar 10 Mar - 14:29

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    Message par Jean Mar 10 Mar - 14:29

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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:01

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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:07

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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:51

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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:52

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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:53

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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:53

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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:53

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    Johnny Hallyday dans les archives de L'Express

    publié le 06/05/2010 à 20:00

    Depuis 1961, L'Express a suivi, avec enthousiasme, la carrière du plus populaire des rockers français. Retour sur presque 50 ans de complicité.

    Les années 2000

    2005: la discothèque idéale, selon Johnny Hallyday

    Pour L'Express, Johnny Hallyday dévoile ses disques de chevet et évoque les artistes qui l'ont inspiré.

    2002: Johnny Hallyday, portrait d'un monstre sacré

    Monté sur scène à 17 ans, il est toujours là, 1 000 chansons plus tard, à l'approche de ses 60 ans. Comme une valeur refuge dans une société sans repères. Pourtant, avec ses amours, ses ruptures, ses copains, ses chagrins, ses syncopes et son rapport vertigineux à l'argent, l'idole cache un c"ur tendre. Une star, mais pas de roc

    Les années 90


    1999: les confidences de Johnny

    Confident du rocker depuis vingt ans, l'éditorialiste de L'Express publie "Johnny", aux éditions Nil. Il en offre la primeur aux lecteurs de L'Express.

    1998: après une pause tropicale, Johnny revient

    Finie la bourlingue tropicale. Obispo lui a concocté un album sur mesure: Ce que je sais

    1996: "La musique m'a sauvé"

    Quarante ans de rock'n'roll, fêtés en novembre prochain à Las Vegas, une crinière de lion et un corps d'athlète: le grand Hallyday a décidé de coucher sa vérité sur le papier, en trois volumes. Le premier est consacré à ses vingt premières années. Destroy

    1995: ainsi parlait Johnny Guitare

    Avec "Lorada", notre rocker national espère faire mieux qu'avec "Rough Town". La preuve, Bercy l'attend pour septembre. Il nous confie ses espoirs et fait, sans complaisance, le compte de ses erreurs.

    1990 : Monsieur Hallyday

    Il se redonne à Bercy, comme pour sacrifier davantage à une légende solide comme le rock. Dans sa guitare, trente ans de la vie d'une idole. Et de la nôtre : on a tous en nous quelque chose de Johnny.

    Les années 80

    1986: Johnny, cheveux blancs, idées neuves

    On l'avait quitté, il y a quelques mois, le cheveux court et naturel, sobre et réfléchi, amant enfin stable et père heureux. Voici qu'on le retrouve seul, exhibant une coupe de mutant punk albinos, les cheveux blancs de neige dressés sur le crâne. Johnny Hallyday aurait-il, une fois de plus, changé" Et serait-il revenu à ses vieux démons"

    1982: pourquoi Johnny?

    La dernière folie Hallyday : 15 millions de Francs pour son show du Palais des Sports. Danièle Heymann s'est demandé pourquoi le roi Johnny nous fascinait depuis un quart de siècle.

    Les années 70

    1979: Vingt années de Johnny Hallyday sur scène

    Pour mieux comprendre ces vingt première années d'une bête de scène, Philippe Adler a suivi Johnny pendant quinze jours, partout, jusque dans les coursives du Foch. Son cri du coeur: "C'est ça, un chanteur populaire!"

    1977: Johnny Hallyday, le coup Hamlet

    Johnny Hallyday sort un album inspiré du héros shakespearien... et va le présenter en classe.

    1976 : onze Johnny plus un

    Ils ont été quelque quatre cents à concourir. Quatre cents à envoyer leur photo à RTL parce qu'ils pensaient ressembler à Johnny Hallyday. Le tri effectué, ils se virent onze en arrivant au port. Onze dont visage et silhouette évoquaient d'assez près ceux de l'idole.

    1975: en tournée avec Claude François et Johnny Hallyday

    Deux chanteurs, deux seulement, connaissent chaque soir, dans les tournées de l'été, le triomphe absolu : Johnny Hallyday et Claude François. Un règne, pour l'un et pour l'autre, de plus de dix ans. Soir après soir, Elisabeth Schemla a regardé fonctionner ces étranges mécaniques...

    Les années 60

    1969: Johnny Hallyday, de la musique yéyé au rock

    De toute la bande de "Salut les copains", Johnny est le seul à avoir rebondi à la fin de l'ère yéyé.

    1965: quand les copains deviennent des superstars

    Tandis que Johnny Hallyday et Sylvie Vartan se marient, les anciens "copains" de l'ère yéyé sont devenus des superstars et des millionnaires.

    1961: Johnny Hallyday, le Poulbot du Rock, prend ses quartiers de noblesse

    Deux ans après ses débuts, un premier article admiratif dans L'Express
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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:54

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    1961: Johnny Hallyday, le Poulbot du Rock, prend ses quartiers de noblesse


    Par Danièle Heymann et (L'Express), publié le 28/09/1961 à  16:54

    Deux ans après ses débuts, un premier article admiratif dans L'Express

    Plus interviewé qu'un chef d'Etat, plus photographié que Sophia Loren au festival de Cannes, Johnny Halliday (18 ans, 1 million et demi de disques vendus) a fait ses débuts de vedette bien parisienne.  

    Abandonnés les blue-jeans des débuts, oubliées les bottes de cow-boy (2 000 francs à la porte de Saint Ouen), reniée la chemise ouverte cloutée de strass, le Poulbot du Rock prend ses quartiers de noblesse (ou de snobisme ?) en passant des Boulevards Extérieurs aux Grands Boulevards, du Palais des Sports à l'Olympia. Jabot plissé, complet foncé, entouré de cinq musiciens en habit de satin, devant une salle comble et surchauffée (75 % de smokings, 25 % de blousons noirs), Johnny Halliday, pendant 50 minutes, a dansé, câliné son micro, violé sa guitare, chanté (?): des "oeuvres" invertébrées dont une porte fièrement la signature de Charles Aznavour.  

    II y a deux ans, personne ne connaissait Johnny Hallyday. Plus ou moins délaissé par ses parents (qui revendiquent à présent l'enfant prodige), il est aujourd'hui le Dieu vivant du Rock and Roll français. Il a beaucoup d'argent, beaucoup d'amis, une proposition de contrat cinématographique (son propre rôle dans un sketch écrit par Vadim pour "La Parisienne" que réalisera Marc Allégret). Et il n'a même plus besoin de se rouler par terre pour que ses fans entrent en transe. Une réussite en somme. 
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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:54

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    1965: quand les copains deviennent des superstars


    Par Danièle Heymann et (L'Express), publié le 19/04/1965 à  18:28

    Tandis que Johnny Hallyday et Sylvie Vartan se marient, les anciens "copains" de l'ère yéyé sont devenus des superstars et des millionnaires.

    Le 13 avril 1965 à 10 h 50, en la mairie de Loconville (Oise), Sylvie a dit oui à Johnny qui a dit oui à Sylvie. Deux cents photographes s'étaient invités. Ils ont étouffé le maire et bousculé le curé. Sylvie a ri et pleuré comme toutes les épousées.  

    Ne peut-on voir là l'image rassurante et conventionnelle de notre jeunesse ? Après de longues fiançailles. les petits (quarante et un ans à eux deux), blonds comme des Jésus, n'en pouvaient plus, il a fallu qu'on les marie. D'accord, il n'a pas tout à fait fini son service, et ils n'auront pas un voyage de noces bien long, il faut qu'elle gagne l'argent du ménage, mais quoi, ils ont la vie devant eux...  

    La rue Yéyé


    Devant, oui. Derrière aussi. Quand Johnny Hallyday aura rempli le plus long contrat de sa vie, celui qu'il a signé en mai 1964 avec M. Messmer, ministre des Armées, il recommencera à chanter et à gagner en une soirée le double de ce qu'un professeur agrégé gagne en un mois. Johnny est une idole, sa petite femme est une idole. Leurs fans vont-ils voir dans la régularisation bourgeoise d'une idylle romanesque une trahison, une défection ? Même pas. Il est passé tant d'eau sous le pont des copains.  

      Qu'est-ce que le rock ? Une mode barbare, un défoulement, un germe de fascisme ?

    Comment Johnny, ce beau gosse un peu vulgaire, est-il arrivé à remplir quatorze lignes du "Who's Who" sous la qualification "d'artiste lyrique" ? Comment Sylvie, gentille blonde ennuyée, a-t-elle fait écrire à un journaliste de "Time" : "L'avenue des Champs-Elysées n'est plus la rue Bardot, elle est devenue la rue Yéyé grâce à miss Vartan, qui a la bouche comme une tulipe et le regard d'une petite fille adulte."  

    II y a dix ans, Johnny et Sylvie étaient des enfants et les "Copains" appartenaient encore à Jules Romains.  

    Il y a dix ans, l'ouragan Rock'n Roll ravage les Etats-Unis. La France n'a même pas vent du cyclone. Mais sur les antennes d'Europe N°1, poste périphérique nouveau-né, on commence à entendre des disques de Gene Vincent, Bill Haley, Elvis Presley. Des hurleurs qui ne dérangent en rien Yves Montand et son "Paris", Mouloudji et "son petit coquelicot", Edith Piaf, les Compagnons de la Chanson et leurs "Trois Cloches", Georges Brassens et son "Gorille".  

    Le premier rock


    Henri Salvador, chez qui le goût du canular n'est pas neuf, enregistre sous le pseudonyme de Henri Cording une parodie délirante : "Va t'faire cuire un oeuf, man" (1). C'est le premier rock français.  

    Mais dans un ancien golf miniature, un animateur-barman, Henri Leproux, va se faire l'artisan de lendemains qui chanteront le rock. Au Golf Drouot, on écoute dans la ferveur les prophètes d'outre-Atlantique, on a quinze ans, à peine. On se déguise en cow-boy, on est fauché, on s'appelle Eddy Mitchell, Dany Logan, Long Chris. On s'appelle aussi Johnny Hallyday. Le premier enregistrement de Johnny sur disque souple est passé là, dans ce temple aujourd'hui profané. Les historiens s'en souviennent.  

      Cent cinquante mille fans canalisés par un service d'ordre dérisoire sont venus écouter gratuitement leurs idoles : Johnny, Sylvie et Richard

    Après un tour de chant houleux au Marcadet-Palace, cinéma parisien, Johnny, petit garçon de la balle, fils d'une jolie fille et d'un Belge irresponsable, élevé dans un taudis du XIIIe arrondissement selon les uns, dans la chaude atmosphère des gens du voyage selon les autres, entre modestement dans la carrière. Ses aînés y sont encore.  

    Un jour d'été 1959, Daniel Filipacchi, empruntant les premières paroles d'une chanson de Gilbert Bécaud, "Salut les Copains", propose aux auditeurs d'Europe N°1 une émission hebdomadaire pour les jeunes. Le succès est immédiat. Le 19 octobre de la même année, l'émission devient quotidienne.  

    Les chaînes de l'enfance

    La plus grande armée du monde ? une génération ? se lève et prend ses armes : postes de radio, disques, électrophones. Les douze-vingt ans sortent des limbes, brisent avec fracas les chaînes de l'enfance, s'affirment, consomment, se reconnaissent en Elvis, en Johnny. Tout s'accélère. En 1966, les "teenagers" représenteront 39,8 % de la population française. Mais 40 % d'entre eux possèdent déjà leur transistor personnel, 27 % leur propre tourne-disque. 

       Le général de Gaulle déclare, paraît-il : "Ces jeunes sont pleins de vitalité, profitez-en, envoyez-les construire des routes."

    Juin 1961 : à signaler, au cours du même entretien, une réponse prémonitoire de Lucien Morisse : "Aznavour écrira des chansons pour cette nouvelle vague. Aznavour, deux ans plus tard, écrira "Retiens la nuit" pour Johnny et "La plus belle pour aller danser" pour Sylvie.  

    Août 1962 : "Salut les Copains" reste une émission et devient un journal, qui tire bientôt à un million d'exemplaires et reçoit dix mille lettres par semaine. Richard Anthony chante "J'entends siffler le train", on signale les débuts de Sylvie Vartan, "la collégienne du twist". 

    Octobre 1962 : une liane languide chuchote "Tous les garçons et les filles de mon âge". Les copains adoptent Françoise (Hardy).  

    Johnny, dans la lettre mensuelle qu'il écrit pour "Salut les Copains", note : "Une date importante dans ma vie : je me rase pour la première fois." 

    Janvier 1963 : Claude François et Sheila entrent dans la danse. Johnny enrichit le vocabulaire yéyé d'un mot en or : "idole", en chantant "Les gens m'appellent l'idole des jeunes, il y en a même qui m'envient, mais s'ils savaient comme parfois dans la vie, je m'ennuie... ". Il est encore fidèle à sa jeune légende, il reste le copain mal à l'aise dans son costume de lumière. 

    Mai 1963 : Johnny et Sylvie sourient sur la couverture de "Salut les Copains". Dans les pages intérieures, Johnny met les choses au point : "Comme l'a écrit La Bruyère (c'est Sylvie qui a trouvé dans "Les Caractères" cette pensée un peu vache) ; iI y a un goût dans la pure amitié où ne peuvent atteindre ceux qui sont très médiocres." Vous qui êtes de vrais copains, je vous promets de vous avertir... Notre plus chère ambition : rester une paire d'amis sans problèmes et sans complexes. Notre grand amour, c'est celui du métier."  

    22 juin 1963 : la Nuit de la Nation. Cent cinquante mille fans canalisés par un service d'ordre dérisoire sont venus écouter gratuitement leurs idoles : Johnny, Sylvie et Richard. Quelques blousons noirs sont de la fête.  

    Jalousie


    Dès le lendemain, les sociologues s'emparent du phénomène yéyé. Le général de Gaulle déclare, paraît-il : "Ces jeunes sont pleins de vitalité, profitez-en, envoyez-les construire des routes." Les communistes ripostent : "Le gaullisme déclenche là une nouvelle offensive dont le but est le suivant : que les adultes voient en tout jeune un fauve prêt à mordre." Daniel Filipacchi, organisateur de la folle nuit de la Nation, réplique : " II est bien évident qu'il y a là de quoi exciter la jalousie. Car aucun politicien, aucune organisation de rencontres sportives ne peut espérer approcher le succès de Johnny ou de Sylvie."  

    C'est vrai. L'été 63 ne sera cependant pas toujours rosé pour les idoles. En août, au Théâtre de verdure du Cannet, Sylvie déclare forfait sous les tomates après deux chansons. La sono l'a trahie. Elle est interdite pour la saison dans tout le département des Alpes-Maritimes. Les copains que le disque a lancés, dont les voix ont été truquées, magnifiées par les astuces de l'électronique, subissent dans les salles en stuc des casinos de plage leur plus dur examen de passage. Certains ne s'en relèveront pas. 

    Je t'aime

    Johnny et Sylvie ne seront pas de ceux-là. Ils .s'aiment. Elle chante : "J'ai fini de pleurer mes amours passées, j'ai oublié ma peine, puisqu'il m'a dit : je t'aime". Il chante : "A plein coeur, moi, je veux l'aimer, à plein coeur comme un damné". 

    Les filles, selon qu'elles sont rondes ou longues, s'habillent comme Sylvie ou comme Françoise. Les garçons achètent 5 millions de médaillons à l'effigie de Johnny.  

    22 mai 1964 : nouvelle couverture de S.L.C. ("Salut les Copains") pour Johnny. Il apparaît en treillis kaki sur fond tricolore. Il va prouver qu'un yéyé n'est pas une femmelette. Soldat Smet ? c'est son vrai nom ? bon pour le service.  

    C'est alors que les teen-agers français s'aperçoivent qu'ils ont été floués et qu'ils l'ont voulu. Peu à peu, leurs idoles ont cessé d'être des frères, des soeurs, des enfants qui un jour prenaient une guitare, chantaient et gagnaient leurs coeurs. Ils ont cessé de leur ressembler.  

    Une apprentie pouvait s'identifier à Sheila lorsque celle-ci vendait des bonbons à l'aube sur les marchés de Maisons-Alfort. C'est fini. "L'école est finie", elle aussi. Sheila, propriétaire d'une maison de confection, a coupé ses couettes. Elle a beau crier : "Vous les copains, je n'vous oublierai jamais", elle est devenue aussi étrangère aux moins de vingt ans que Soraya et ses luxueux chagrins à leurs parents.  

    Comanche 350


    Johnny est un chef d'entreprise qui emploie sept musiciens, deux secrétaires, un parolier, un présentateur, un administrateur, un régisseur de plateau, un éclairagiste, un ingénieur du son, un cousin, Lee Hallyday, et un imprésario. Johnny a une Ferrari, son imprésario une Cadillac blanche, son secrétaire une Buick Riviera.  

    Richard Anthony possède une maison dans la vallée de Chevreuse, une villa avec piscine au-dessus de Saint-Tropez, un chalet à Crans-sur-Sierre, deux enfants, deux Ferrari et un avion, un Comanche 350, qu'il pilote lui-même pour couvrir ses vingt mille kilomètres de tournée annuels.  

    Danyel Gérard roule en Alfa Roméo Super Sprint, Claude François en Ferrari, lui aussi. Ce dernier a deux cents chemises, cinquante paires de chaussures, trente costumes, des pyjamas en soie noire ou or avec ses initiales sur la poche gauche, et il se parfume au "Jicky" de Guerlain.  

    Dans notre firmament capitaliste ne brillent plus désormais que des étoiles en or. Les copains sont morts. Adieu. Il reste des vedettes.  

    Tout s'use, même les filons de métal précieux. L'O.R.T.F, diffuse chaque jour 600 chansons, et les postes privés, 1.000. Dix disques de variétés nouveaux sont pressés quotidiennement. Quatre millions d'électrophones ont fait tourner, en 1964, 58 millions de disques neufs, dont 65 % de variétés. C'est beaucoup, c'est trop.  

    Le raz de marée yéyé a déjà abandonné bien des épaves. Des groupes comme les " Chaussettes Noires" ou les "Chats Sauvages" se sont disloqués, seuls leurs solistes, Dick Rivers et Eddy Mitchell, leur ont survécu, Frankie Jordan est dentiste, Moustique est dans la misère, Hector, "le Chopin du twist", chôme avec une émouvante désinvolture.  

    Milton

    Les maisons de disques que le yéyé sauva ont l'oeil fixé sur les girouettes. Le vent peut changer. Philips, qui monopolise Johnny, Claude François, Sheila et la dernière venue des idolettes, France Gall (vingt mille "Poupée de cire, poupée de son" par jour), amorce déjà un virage en douceur. Milton, le vieux Milton, paisiblement retraité sur la Côte d'Azur, vient de réenregistrer ses succès quadragénaires. Il vend 200 microsillons par jour. Le 28 avril, paraîtra le dernier 33 tours de Johnny ; en même temps, sortira également un disque des "plus grandes chansons d'amour" interprétées par André Claveau, entièrement retiré du métier depuis deux ans...  

    Mais si Johnny, Sylvie, Richard, Sheila, devenus en trois ans multimillionnaires du disque, sont aujourd'hui des vedettes, ce n'est pas par la seule volonté de Daniel Filipacchi et de l.ucien Morisse (Europe N°1) ou de Bruno Coquatrix (l'Olympia). Ils ont travaillé, ils ont peiné, ils ont payé sous les huées le droit d'être aimés.  

    Johnny et Sylvie ont été des copains. M. et Mme Jean-Philippe Smet vont tenter de rester des stars. Ils sont mariés, ils sont heureux... Ils auront encore beaucoup de petites Ferrari.  

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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:55

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    Johnny Hallyday, de la musique yéyé au rock

    Par par Danièle Heymann et (L'Express), publié le 28/04/1969

    De toute la bande de "Salut les copains", Johnny est le seul à avoir rebondi à la fin de l'ère yéyé.

    Crochet du droit. Uppercut. Swing. Direct. Corps à corps. Crochet du gauche. Johnny Hallyday, T-shirt trempé, visage ravagé, tombe, bras en croix, gants aux poings. Dans un studio de télévision des Buttes-Chaumont, galerie des glaces poussiéreuse, il répète un combat de boxe. Ce combat, mimé, dansé, vécu, illustre une des douze chansons nouvelles qu'il présente depuis vendredi et pour quinze jours au Palais des sports (7 000 places). Son partenaire, son adversaire est noir: Lester Wilson, chorégraphe de Sammy Davis Jr et principal artisan de Golden Boy, comédie musicale antiraciste qui a triomphé à Broadway et à Londres. 

    Johnny Hallyday se relève. Ses coudes sont écorchés. Il est maigre et gai. Il porte encore la barbe vaguement hippie qu'il rasera le lendemain devant les caméras des Carpentier. Leur show, où Sylvie Vartan, en collant chair, incarnera Eve, est programmé le 7 mai. Il allume une cigarette. Il s'effondre dans un fauteuil bancal. Il parle "Etre premier au référendum des Copains, cela ne veut plus rien dire." D'une phrase, il vient de faire table rase de son passé d'idole. D'un mot à la mode, il vient de balayer dix ans de sa vie: des hauts, des bas, des risques, des rixes, des disques, le fisc, un fils, des fans, une femme. D'un geste, il vient de passer de l'autre côté du miroir de sa gloire en plaqué or. 1969 Johnny Hallyday, année zéro. 

    Pop-corn sur la foule

    Producteur du spectacle total du Palais des sports: Johnny Hallyday. Seul. Coût du plateau, non compris le cachet de la vedette: 350 000 francs. Budget consacré à la décoration, imaginée par Jacques Cherix: 200 000 francs. Pour ses débuts de show-businessman, Johnny a vu grand. Très grand. Trop? Cinq scènes circulaires. Cinq groupes musicaux, dont les Aphrodite's Child. Quatre ballons-sondes géants suspendus à douze mètres au-dessus des spectateurs et où sont projetés simultanément des films (d'horreur, de guerre, etc.). Dix cascadeurs, dirigés par Yvan Chiffre, qui se laissent tomber du haut de mâts de quatre mètres cinquante, deux rings où évoluent des catcheurs nains, vingt-quatre danseurs et danseuses, dix gogo girls aux seins nus, des fumeurs de narguilé, des joueurs de sitar. Cinq cents kilos de pop-corn, soit 3 000 francs (au prix de gros) déversés chaque soir sur la foule... Pourquoi ce pari démesuré?

    - Parce que, dit Johnny, je me suis cassé le pied, j'ai été obligé de m'arrêter six mois, et j'ai gambergé. Ça fait dix ans que je chante. Gueuler tous les soirs dans une salle "Je suis si seul" en pensant: "Qu'est-ce que je vais manger après le gala?", ça finit par devenir lassant.
    - Le yéyé?
    - Je ne renie rien. Mais, à la grande époque des yéyé, j'étais mauvais. Mauvais. Je chantais mal. Je ne savais pas danser.
    - Vous avez été une idole...
    - S'il vous plaît, pas ce mot-là. C'est bidon. Une idole, c'est n'importe quel gars lancé par les commerçants. Une idole, ça se laisse prendre à son propre jeu, et puis ça finit par être détrôné par une autre idole. Moi, j'ai frôlé la catastrophe, plusieurs fois. A cause de ça. L'auréole...
    - Vous êtes jeune...
    - Non. J'ai 25 ans. Pour une partie de mon public, je suis un vieux. Il faut vieillir. Il faut accepter de vieillir. Brigitte Bardot, c'est son drame. Elle refuse. Une petite fille de 33 ans, c'est de la tricherie. Non?
    - Votre entourage?
    - Je sais. A de rares exceptions près, des bons à rien. Mais on a besoin d'être flatté, ça rassure. Alain Delon comprend bien ce problème. Il a eu le même. C'est le métier qui veut ça. Quand on a travaillé, que sa femme est à 10 000 kilomètres, qu'on se retrouve seul dans un appartement de 400 m², on est drôlement triste. On sort, on boit un coup. C'est fini, ça ne m'intéresse plus. Trop de choses à faire. A ne pas faire trop vite pour ne pas les faire trop mal. Je ne veux plus avoir le temps pour les conneries. 

    Au grand bal de mai


    Il est vrai que Johnny, l'insoumis, le rebelle sans cause, a bien vieilli, mais il vieillit bien. En 1958, la plus grande armée du monde, une génération entière, prenait les armes (transistors, disques, électrophones), s'affirmait, consommait, se reconnaissait en Elvis Presley, en Johnny Hallyday, nouveaux prêtres de l'exubérance rythmée. 

    Mais au grand bal de mai 1968, Johnny n'a pas été invité à chanter de Carmagnole twistée. Les jeunes ont un autre visage. Ils contestent l'autorité, mais ils recherchent la maturité. Au moins en matière de chansons. Et les nouveaux dieux du microsillon ont l'âge de leurs pères. Oncle Freud parlerait peut-être de transfert. En tout cas, Serge Reggiani, Yves Montand, Gilbert Bécaud, Charles Trenet (110% d'indice de fréquentation au Théâtre de la Ville) ont en coeur entonné le Requiem du yéyé. Tout cela, Johnny l'a compris. 

    D'autres moins bien que lui. En effet, aujourd'hui, que sont les Copains devenus? Quelques-uns ont disparu Billie Bridge, Vince Taylor, Dany Logan, etc. Les autres se sont mués en P.d.g. crispés, fondant leur propre maison de production et d'édition, Richard Anthony, par exemple. Ses affaires prospèrent, mais sa carrière s'enlise. II vient de piquer une tête commercialement triomphante dans la mélasse du "Sirop Typhon". Claude François, ludion survolté qui bêle depuis des années avec énergie des adaptations américaines (dont il signe les paroles françaises), dirige la marque "Flèche" depuis 1967. Il emploie vingt personnes. Sheila, la fraîche copine de L'école est finie, a endossé l'uniforme poujadiste de "Petite fille de Français moyen". Eddie Mitchell clame sans espoir les litanies du rock agonisant: "Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là". Sylvie Vartan, la "collégienne du twist" de 1962, apprend à descendre les escaliers comme l'aïeule Mistinguett. 

    Daniel Filipacchi, enfin, grand vizir de la religion yéyé, est le patron de presse surmené d'un groupe qui, lui, marche bien (Photo, Pariscope, Lui, Cuisine-Magazine, etc.), mais il saborde discrètement son émission Salut les copains. "Il vaut mieux qu'elle crève, dit sans détours Johnny Hallyday. Elle est devenue complètement ringarde. Même les enfants ne sont pas assez débiles pour l'apprécier, désormais." Salut les copains, empruntant son titre à une chanson de Gilbert Bécaud, est née sur les antennes d'Europe N°1 pendant l'été 1959. Hebdomadaire, elle devient quotidienne le 19 octobre de la même année. En août 1962, S.l.c. reste une émission et devient un journal qui tire bientôt à un million d'exemplaires. Et sera marié plus tard à son homologue au féminin M.a.t. (Mademoiselle Age tendre). Bousculée par le succès de Campus de Michel Lancelot, la tranche horaire de S.l.c. a, depuis un an, tenté de se renouveler pour survivre. Une nouvelle formule, enregistrée en public, est envisagée. Daniel Filipacchi dément que l'agonie soit proche. II déclare que les accords publicitaires entre Europe N° 1 et son journal n'ont pas été révisés, et que, par conséquent... Mais le coeur n'y est plus.  

    Le Rubicon yéyé

    Johnny semble donc le seul à avoir franchi sans se mouiller le Rubicon de l'ère yéyé. Il fourmille de projets. Après le Palais des sports, galas en France, tournée d'été en Espagne, tournage d'un western de Sergio Carbucci en Italie, enregistrement d'un disque avec Quincy Jones à Los Angeles. A la rentrée, en association avec Lester Wilson, il montera, sans doute à Paris, la version "blanche" de Golden Boy. Le producteur de cinéma Edmond Tenoudji lui a proposé un contrat de cinq ans et des rôles d'"homme", dans de "vrais" films. Peut-être de Joseph Losey? Ou, qui sait, de Fellini? 

    Maurice Chevalier croit en lui, Georges Brassens l'apprécie, Charles Trenet, il y a deux ans, préfaçait son programme de l'Olympia: "Quand la majorité de ses camarades aura fini de se prendre pour un consortium de cowboys, on verra bien que seul Johnny enfourchait un cheval - ailé." 

    Caracolant sur ce Pégase de western, Johnny Hallyday, après bien des orages vient d'atteindre la grande prairie où broute le troupeau lucide et fatigué des adultes. Comme eux, désormais, il se penche sur l'enfance. Son enfance. Son vieux complice du Golf Drouot, Long Chris, a écrit pour lui Je suis né dans la rue. Paroles: "Maintenant, je ne chante plus où les murs sont toujours gris. Mon nom est d'argent et ma guitare est en or... On me parle avec respect, je dîne chez les rois... Vous perdez votre temps, je reviendrai à la rue, parce que je suis né dans la rue." 

    Ce dernier cri de révolte, cette obscure nostalgie des années noires, ce mépris pudique pour son "nom d'argent et sa guitare d'or", c'est l'adieu aux armes d'un vétéran de 25 ans. C'est l'ultime salut de Johnny Hallyday aux Copains. 
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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:56

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    1975: en tournée avec Claude François et Johnny Hallyday

    Par Elisabeth Schemla et (L'Express), publié le 25/09/1975

    Deux chanteurs, deux seulement, connaissent chaque soir, dans les tournées de l'été, le triomphe absolu : Johnny Hallyday et Claude François. Un règne, pour l'un et pour l'autre, de plus de dix ans. Soir après soir, Elisabeth Schemla a regardé fonctionner ces étranges mécaniques...

    Chaleur, sueur. Electrochocs lumineux, sonos hystériques, mecs et minettes électrisés. Poussière, fumée, odeurs fauves. Des milliers de kilomètres à 200 à l'heure, des nuits nerveuses et alcoolisées, des aubes déboussolées, des jours à volets clos. Et puis, chaque soir, une heure de triomphe. Absolu.  

       Entre ces dieux que tout oppose - et leurs fidèles qui se haïssent c'est l'amour fort

    Une heure que Johnny Hallyday et Claude François sont seuls à connaître dans ces arènes, théâtres de verdure et chapiteaux qui deviennent, pendant les vacances, les temples du culte music-hallien. Les vedettes ? Lama, Sardou, Vartan, Lenorman, Clerc? remplissent les salles et remportent des succès. Mais les deux stars, elles, déchaînent les passions et provoquent les bagarres. Deux blessés graves, dont un policier, à Thonon-les-Bains, en juillet, pour Johnny Hallyday ; six blessés, trente jeunes gens interpellés à Marseille, quelques jours après, pour Claude François. Entre ces dieux que tout oppose - et leurs fidèles qui se haïssent c'est l'amour fort. Insensible aux modes et aux tentations, Johnny règne sur les coeurs depuis seize ans, Clo-CIo depuis treize. Avec un art consommé.  

    Il est 18 ou 19 heures quand Claude François arrive devant l'école d'Hyères, baptisée pour la circonstance Théâtre aux Etoiles. Pour quelques instants encore, il offre ce visage souriant qu'affectionne la télévision. Mais, au moment précis où commence la répétition, le masque gentillet tombe. Le sourire disparaît, l'humour devient cruel, le chanteur laisse la place au "patron", irascible, maladivement exigeant, assoiffé de perfection. "Je déteste les artistes qui se moquent du public. Ou qui ont peur de l'affronter. En tournée, on ne triche pas. Les gens qui nous ont vus sur l'écran, qui nous écoutent à la radio, viennent à notre rencontre. Il faut être à la hauteur." Moulé dans un Jean et un tee-shirt qui paraissent tout droit sortis d'un grand couturier, nerveux, fébrile, Claude François ? comment l'affubler alors du célèbre diminutif ? ? foule la scène, tâte les planches, prend possession de cet univers d'un soir dont il fera bientôt son univers. Il est impressionnant de connaissances techniques. Il fascine par son intransigeance : "Les répétitions ne sont pas un luxe mais une nécessité. Elles font partie du spectacle. Chaque soir, la disposition des gradins ou des chaises, la grandeur de la salle, la nature des matériaux employés ? ciment, pierre de taille, plastique ? changent les données de la représentation.  

    "Ne laissant rien au hasard, endossant toutes les responsabilités" Je ne fais confiance à personne d'autre qu'à moi-même" - il vérifie l'emplacement des micros, règle l'éclairage et les sonos, reprend un musicien, change un tempo, descend dans la salle, peste : " Le son, putain, le son... C'est moi qu'on vient entendre, pas l'orchestre ! ", remonte sur scène, exécute un pas avec les Claudettes encore vêtues, ne se résout pas à partir. Les premiers spectateurs pénètrent dans l'enceinte, qu'il est encore là, homme-orchestre, dévoré par l'angoisse de l'échec et la volonté de réussite. Enfin, il entre en loge.  

    A ce moment-là seulement, Johnny Hallyday quitte, nonchalant, son hôtel. Personnage fait de décontraction, de détachement. Le jean et les hottes sont américains, la chemise est sportive, l'allure calme. On dirait qu'il s'en va faire des courses au magasin du coin, pas du tout qu'il est attendu, lui aussi, par des milliers de fans. Il reste silencieux, grillant gitane sur gitane, mordillant ses ongles. Lorsque Hallyday pénètre dans sa loge, la première partie du spectacle est déjà commencée. Avec lui, pas de répétitions. "Inutile. Je sais ce que j'ai à taire, et chaque soir je m'adapte au public, qui n'est jamais dans le même état d'esprit." Cette improvisation pourrait passer pour de l'indifférence.  

    C'est faux. Hallyday fait confiance à son instinct. En attendant de monter sur scène, il va et vient, plaisante avec les copains ou, prostré sur une chaise, le regard vague, se repose et, sans doute, se concentre.  

    Autour de lui, très peu d'objets : le costume de scène, une mallette contenant quelques produits de toilette, une laque pour les cheveux, un crayon et un fard à yeux. Il se prépare en quelques minutes. Le scénario, car c'en est un aussi, exalte ses adorateurs. En arrivant à la dernière minute ? ils connaissent sa voiture et la repèrent de loin ? il les bluffe et les chauffe. Cette facilité dans le travail, dévoilée avec modestie, force leur admiration. Avec talent et naturel, on pourrait presque dire : malgré lui, Hallyday démythifie l'artiste pour mieux entretenir le mythe.  

    A l'inverse, Claude François perpétue la tradition de la superstar. Il y emploie des dons innés. Sur l'autel ? la table de maquillage ? sont dressés les laques, fards, ampoules, déodorants, collyres, parfums, huiles, peignes, inhalateurs qui vont permettre les mutations successives : "II ne doit rien y avoir de commun entre l'homme que je suis dans la vie et l'artiste qui s'exhibe sur scène. Le public a besoin de rêve. Et le rêve débute avec l'apparence physique." 

    Cheveux soyeux, yeux maquillés, cils recourbés, ombres et lumières sur le visage parfaitement rasé. Préparation minutieuse, minutée, qui s'achève par quelques mouvements de gymnastique "pour augmenter le rythme cardiaque avant de danser. Autrement, je ne tiendrais pas le coup, l'effort serait trop violent." Les gens se bousculent pour l'apercevoir dans sa loge. Il fait intervenir ses gorilles : il ne veut pas être vu, pas avant l'heure H.  

    C'est l'entracte. Le public trempe déjà dans un bain d'hystérie collective, exaspéré par les premières parties insipides. Des policiers, gourdins à la ceinture et, parfois, chiens policiers en laisse, patrouillent et cherchent à canaliser la foule. Les nerfs et les muscles sont hypertendus. Des cris, le bruit des trépignements parviennent jusqu'aux loges. Souveraines, les idoles laissent monter l'excitation. Salves de sifflets, vagues de " John-ny, John-ny", " Clo-CIo, Clo-CIo " scandés à l'unisson.  

    Certains entractes durent une heure. Mais jamais une minute de trop. Avec un flair infaillible, les deux hommes sentent l'instant précis où la salle risque de basculer dans la colère. Cela aussi fait partie de la mise en scène. Johnny Hallyday avale de l'eau minérale, Claude François un whisky et des vitamines C. Dans un instant, les fauves seront lâchés. Les musiciens attaquent. Minutes interminables, soigneusement chronométrées.  

    Vêtu d'une longue cape argentée, Hallyday entre en scène posément, tandis que Claude François, costume argent et paillettes rouges, bondit sur les planches, aussitôt entouré des Claudettes, dénudées et scintillantes. Le premier chante du rock ; le second, ces chansons populaires qui font les beaux jours des hit-parades. On aime ou on est allergique. Le public, lui, adore.  

    Dès le premier quart d'heure, les barrières de protection devant la scène sont escaladées ou emportées. On se piétine, on se bouscule pour voir l'idole de plus près. Au fur et à mesure que la tension monte, les fans se font plus hardis. Ils escaladent la rampe, se pendent au cou du chanteur, le griffent, l'écrasent, le mordent, l'embrassent à pleine bouche, essuient sa sueur qu'ils emportent, attendris, dans leurs paumes. Les gardes du corps font le coup de poing, traînent filles et garçons par les cheveux derrière la scène ou les rejettent dans la foule.  

    Un grand écart de Claude François sous lumière psychédélique, et les filles se pâment. Un "waow" triomphant et charmeur de Hallyday, et les garçons s'égosillent.  

    Quand Clo-Clo entame "Le Chanteur malheureux", des visages de tragédie grecque le supplient d'être heureux et des minettes en folie lui crient, bras tendus : "Je t'aime, oh ! que je t'aime !" Quand Johnny s'approche du bord des planches, des mains s'agrippent à son pantalon, montent le long de ses cuisses et cherchent à le happer. Quelques mouvements de son bassin, la foule est en extase. Le torse nu de Clo-CIo, toréador victorieux, le peuple jouit. 

    Les idoles laissent faire, et les spectateurs se laissent manoeuvrer par des mains de maîtres. La séduction va crescendo. Les deux hommes enchaînent chanson sur chanson, sans laisser aux fans le temps de respirer. Juste celui de hurler. Ils sont en sueur, leurs chemises collent à leurs torses. Ils sont beaux, sublimes, éternels. Le public, électrique, vibre, résonne, renvoie les ondes qui émanent de l'idole, ils s'aiment, ils font l'amour ensemble.  

        Quand les dieux se retirent, il n'y a pas d'applaudissements, Mais une foule hagarde


    Quand les dieux se retirent, il n'y a pas d'applaudissements. Mais une foule hagarde, qui a épuisé toutes ses ressources sensorielles en soixante minutes. Pour cette heure de bonheur rarissime, elle offrira, en retour, des années de fidélité.  

    Chaque soir, pendant cette tournée, Johnny Hallyday et Claude François confortent ainsi leurs adeptes et initient des néophytes. "Regarde la salle, dit Hallyday. Devant, il y a les 15, 20 ans. Mais, derrière, ils ont la trentaine, comme moi. Ils me suivent depuis ma première chanson." I-es anciennes minettes de Claude François laissent, elles aussi, les premières places aux jeunes, mais elles viennent avec leurs rejetons, déjà conditionnés à la " cloclomanie ". Etonnant phénomène. Depuis 1958, la France a changé. Or, figées dans leur mythe, les deux stars ont traversé la fin de la guerre d'Algérie et Mai 68, insensibles aux bouleversements sociaux ou psychologiques. Mieux, elles renouvellent sans cesse leur clientèle, en restant telles qu'en elles-mêmes... Cet été, Johnny Hallyday a retrouvé la coupe de cheveux et le style de ses débuts. Claude François, après une interruption de six mois, a rechargé ses accus et se désarticule comme un jeune homme de 20 ans.  

    L'explication ne peut pas tenir uniquement dans la prodigieuse mise en scène des spectacles. Sobre, chez Hallyday qui se contente aujourd'hui de foulards lancés au public et de quelques déhanchements suggestifs; délirante, chez Claude François, qui exploite toutes les ressources du maniement des foules : lumières, couleurs, jets de chemises, de peignoirs, de boutons de manchettes, feux d'artifice et lâchers de ballons, sans oublier les Claudettes, noires, brunes, blondes et rousses. 

       Hallyday rallie de plus en plus loulous, zonards, jeunes apprentis, ouvriers et ruraux poussés dans les banlieues bitumées ou les campagnes désertées

    Elle ne réside pas non plus dans le seul "métier". Certes, il faut avoir vu Johnny se faire loup et puma, souriant et sauvage, bestial et carnassier : Clo-Clo engueuler le public, maudire ses machinistes, insulter ses musiciens dans un numéro mi-sincère, mi-composé, digne des plus grands comédiens, pour comprendre ce que peut être leur autorité sur des fans en liesse. Mais cela ne suffit pas. En fait, la réponse se trouve dans le public lui-même. Hallyday rallie de plus en plus loulous, zonards, jeunes apprentis, ouvriers et ruraux poussés dans les banlieues bitumées ou les campagnes désertées. Marginaux, rebuts d'une société qu'ils ne peuvent contester que de façon primaire, par la violence brute. Déshérites qui n'ont pas encore goûté a la société de consommation alors même qu'elle est déjà condamné. Et quand Johnny dit : Je ne comprends pas qu'on vienne a mon spectacle pour se battre ?, il oublie l'image qu'il donne de lui-même.  

    Pour son public, les années ne 1'ont pas assagi. Il reste le grand copain casse-cou, bagarreur, amateur de vitesse, d'autos et de motos. Un double qui a su se faire accepter et réussir. Ses fans agissent avec virilité. Prêts a la castagne pendant le spectacle, ils ne le pourchassent pas dans sa vie privée. l'estiment pour avoir, contre vent et marée, conservé sa femme et protégé son fils. Et. s'ils le suivent après le spectacle dans le restaurant où il va diner, c'est pour l'aborder gentiment et discuter "relax ".  

    Rien de tel avec Claude François, idole des femmes de 2 à 92 ans. Sa blondeur, son sourire, sa gentillesse, sa vitalité les enchantent. Cet homme là n'est pas celui qu'elles côtoient depuis l'enfance. Il a l'air doux. tendre, il chante ses états d'âme avec sincérité, ses amours contrariées, ses bonheurs naissants, il aime les enfants -- d'où la réussite de l'inévitable "le téléphone pleure" -- il s'entoure de femmes qui n'ont pas l'air de s'en plaindre. Un romantique et un prince charmant. Pour les midinettes, Claude François est un rêve inaccessible, un idéal masculin unique en son genre. L'espoir tabou que leur éducation les a conduites à caresser. D'où les passions qu'il suscite.  

    On a déjà beaucoup parlé des admiratrices plantées en permanence devant son domicile parisien. On sait moins qu'elles le suivent partout où il va. Elles viennent en stop, se privent de manger et de dormir. Elles l'assiègent, l'idolâtrent. Amour exclusif ; "Jamais je n'aurai d'amant. Clo-CIo est mon roi. Je lui voue ma vie comme une religieuse à Dieu."  

    On ronge son os


    Elles se laissent aller au pire fétichisme : quand il a quitté sa loge, elles ramassent les Kleenex usagés, reniflent ses chaussettes, son slip, son costume de scène. Elles s'enivrent de ses odeurs. Elles conservent comme une relique un bout de tissu trempé de sueur. Pour lui, elles ont quitté l'école et leur famille. Certaines font la manche, d'autres se prostituent, "mais sans le tromper". Quelques-unes, désespérant de l'avoir, se suicident. Une fan qui a réussi à se faire embaucher dans son entreprise raconte comment elle se précipite, avec ses copines, sur les restes de ses repas. On boit dans son verre, on ronge son os, on s'arrache les haricots verts que sa fourchette a effleurés...  

    Lucide ? "Ces filles sont là, je n'y peux rien. J'accepte avec fatalisme, c'est mon côté oriental" ? Claude François se montre pourtant ambigu. On ne peut pas dire qu'il encourage cette hystérie, mais il se prête au jeu. Toujours au nom du sacro-saint principe du star-system. Il distribue baisers, sourires, et petits mots gentils.  

    Alors que Hallyday, à la sortie du spectacle, fonce dans la foule pour lui échapper, Clo-CIo, à l'arrière de sa voiture, agit selon un rite bien huilé. Il fait baisser les vitres, prête son visage aux bouches dévorantes, ses mains aux doigts agrippeurs et jette des paquets de photos dédicacées, préparées d'avance. Bains de foule qui ressemblent à une drogue, qui le rassurent. 

    Et comme elles ont besoin d'être rassurées, ces idoles ! A 32 et 36 ans, le succès seul ne leur suffit plus. Il y a trop longtemps que Johnny Hallyday et Claude François mènent ce cirque, tambour battant. Des chansons nouvelles, mais toujours les mêmes salles, les mêmes problèmes, les mêmes villes que l'on traverse et qu'on ne voit pas. La lassitude gagne. Pernicieuse. Certains soirs, Hallyday a l'air de s'en foutre. Il gratte sa guitare mécaniquement, chante mécaniquement. Au bout de quelques chansons, il quitte la scène, II en a marre.  

    A Port-de-Bouc, il y a quinze jours. sous un chapiteau étouffant, il a failli s'effondrer sur les planches. L'air était épais comme la poix, la vapeur dégoulinait du toit. Il ne pouvait plus respirer, il a tenu bon. Mais, dans sa loge, affalé sur une banquette, les yeux vitreux, le souffle court, il murmurait : "Tout ça pourquoi, pourquoi ? Ah ! j'en ai marre !"  

    Physiquement, il épaissit. Moralement, il se laisse gagner par le doute. Alors, il décide de tout plaquer. En septembre, il partira pour les Etats-Unis, avec Sylvie et David. Il y restera un an. Peut-être moins, peut-être plus. "En tout cas, j'oublierai Johnny Hallyday. Je serai monsieur tout le monde, je vivrai comme n'importe qui. Et je ferai de la musique..." L'idole vieillit, mais vieillit bien. Avec sagesse.  

    Vidé, désespéré


    Sage, Claude François ne l'est pas. Sa performance physique est épuisante. Mieux qu'aucun autre, sans doute, il sait l'angoisse d'après le spectacle, lui qui avoue : "Le cinéma que je fais sur scène, ce n'est rien à côté de celui qui suit."  

    Ivre de sons, de lumières et de fureur, il passe chaque nuit deux ou trois heures à récupérer. Il est prêt à tout quand il sort de scène, galvanisé, électrisé. Il trépigne, se cogne la tête contre les murs, casse des objets, bouscule ses collaborateurs. Les traits tirés, les cheveux collés au visage, il passe de longs moments en transes, qui le laissent ensuite vidé et désespéré. Pour durer, il a besoin de la présence rassurante de ses fans, de ces onguents, de cette malle de médicaments qui le suit partout, de tous ces objets du culte qui peuplent ses nuits possédées. 

    Mais jusqu'à quand tiendra-t-il ? A l'aube, deux hommes usés sortent des derniers restaurants ouverts. Ils viennent de prendre leur seul vrai repas. Ils ont bu beaucoup d'alcool, Johnny Hallyday sombrera dans un sommeil plombé. Claude François connaîtra la peur nocturne. C'est l'heure ou les rêves qu'ils suscitent se retournent contre eux.  
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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:56

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    1976 : onze Johnny plus un

    Par par Philippe Adler et (LEXPRESS.fr), publié le 04/10/1976

    Ils ont été quelque quatre cents à concourir. Quatre cents à envoyer leur photo à RTL parce qu'ils pensaient ressembler à Johnny Hallyday. Très étrange phénomène de sublimation, le jury a eu à éliminer plusieurs grands-mères, un gendarme moustachu en grand uniforme, une ravissante Martiniquaise, et quelques petites filles, dont une à lunettes. Le tri effectué, ils se virent onze en arrivant au port. Onze dont visage et silhouette évoquaient d'assez près ceux de l'idole. 

    Les onze sont venus à Paris. Fiers. En jeans et petit blouson. Coiffés rock. Réclamant des micros pour bien montrer que "la ressemblance ne s'arrête pas là". Six sur les onze, en effet, chantent ailleurs que dans leur salle de bains, et passent en attraction dans les bals et dans les mariages. Pour s'amuser, disent-ils, la plupart du temps. Dans l'espoir fou de succéder à Johnny, dans trois cas au moins. 

    Tout cela aurait pu, aurait dû être ridicule. Ce fut plutôt touchant. Ainsi, Jean-Marie, 23 ans, ouvrier à Laheycourt (Meuse), s'éclipse au milieu du dîner qui réunit les sosies à l'Holiday Inn, et revient. En pantalon à paillettes et chemise à jabot. Sous les acclamations des autres: "Oh! Johnny, t'es chouette, Johnny!" Ainsi, Jules, 28 ans, conducteur d'engins à Loos (Nord): la photo était trompeuse, il n'a pas de trait commun avec Johnny, mais sa femme, elle, y croit de toutes ses forces. Elle ne quitte pas son époux d'un pas, arrange ses mèches pour cacher une calvitie naissante et explique à tous ceux qui la croisent: "Jules, à Loos, tout le monde l'appelle le Johnny du Nord. C'est l'adjoint au maire qui a voulu qu'on envoie sa photo!" Alors, ils sont là. Comme tous les autres, fous de joie. C'est Reine d'un jour version 76. Jean-Claude, 27 ans, lunetier à Oyonnax (Ain), lui, est chanteur amateur. A la gare de Lyon, pris pour Johnny, il montera dans une voiture de place. Coût pour RTL du trajet jusqu'à l'hôtel: 100 francs! Pendant le dîner, il se lèvera pour mimer le jeu de hanches du chanteur. Sous les cris des autres: "T'es bon, Johnny, t'es bon!" 

    Bernard, 26 ans, de Bobigny (Seine Saint-Denis), lui, est carrément "artiste". Il fait les bals de banlieue avec son orchestre, "Xérus". Robert, 24 ans, métallo à Dreux (Eure-et-Loir), rêve de devenir professionnel. Sur son bras gauche, tatoué, son nom de scène Johnny Cartouche. Mais ses chances paraissent minces: il passera sa soirée à tenter de se faire entendre sous les huées des autres: "Ta gueule, Johnny, ta gueule!" Pathétique. Joël, 27 ans, mécano à Petite Synthe (Nord), chante, lui aussi, dans les bals. Avec son orchestre "Sensation". Véritable Hallyday dès qu'il voit un micro, il s'est juré d'échapper aux cadences infernales de l'usine pour tomber dans celles du yack. Peut-être y parviendrait-il. 

    Mijo, 25 ans, est yougoslave mais parle avec l'accent belge. A Liège, où il vit, dès qu'il entre dans un bistrot, on sort les bouteilles de champagne. Alors, il a appris à imiter la signature de Johnny et distribue sans s'émouvoir des autographes apocryphes. Son plus beau titre de gloire: "être sorti pendant deux semaines avec une fille qui ressemblait trait pour trait à Sylvie". Frédéric, enfin, 25 ans, chirurgien dentiste à Lyon. Une ressemblance frappante, phénoménale avec Johnny qui semble bien lui avoir quelque peu tourné la tête. II chante. Se maquille. Fait des télés. II débarquera à l'hôtel, flanqué d'un ami jouant les managers impresarios-photographes personnels. Mais sans doute vexé de ne pas avoir été traité et accueilli comme la véritable vedette, Frédé le dentiste boudera le dîner du soir. Johnny, le vrai, aussi, d'ailleurs.
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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:57

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    1977: Johnny Hallyday, le coup Hamlet


    Par Philippe Adler et (L'Express), publié le 14/02/1977 à  17:28

    Johnny Hallyday sort un album inspiré du héros shakespearien... et va le présenter en classe.

    M. Jean-Paul Guillaume, professeur de seconde C au lycée Grandmont de Tours, n'a pas eu besoin, jeudi dernier, de faire l'appel. Il savait qu'il n'y aurait aucun absent parmi les trente-quatre filles et garçons de sa classe. Pour l'assister dans son explication de texte sur "Hamlet", M. Guillaume recevait, en effet, l'aide d'un auxiliaire inhabituel : Johnny Hallyday. 

    L'opération imaginée par RTL : Johnny Hallyday parlant de "Hamlet", dont il a gravé une version rock sur disque, à des élèves du secondaire, avait une chance sur deux de sombrer dans le ridicule. Comment ? Cet enfant de la balle, élevé à tous les vents par un oncle artiste de music-hall itinérant, viendrait dans nos écoles investi de la mission d'enseigner ? L'assistance, M. le Proviseur, qui avait accepté l'expérience, et M. l'Inspecteur d'Académie compris, attendait donc, mi-curieuse, mi-goguenarde.  

    Hallyday côtoya le gouffre. Mais n'y, tomba jamais. Il avait le trac. Lui, si peu loquace, évita le piège d'un périlleux discours magistral, et finalement, par deux fois au moins, fit passer l'émotion. En dressant d'abord un parallèle entre le doute qui assaille Hamlet prince et solitaire et celui qui peut terrasser un Hallyday superstar et saltimbanque. Ensuite, en parlant de la mort : "Oui, j'y pense souvent, j'ai même voulu me suicider. Mais le courage, c'est de vivre, ce n'est pas de mourir. " 

    Ce rêve de chanter Hamlet en rock, Hallyday le baladait dans sa tête depuis dix ans déjà. Il avait découvert le héros shakespearien en 1966, dans une chambre d'hôtel de Johannesburg. On s'ennuie tant en tournée... Il chargeait aussitôt son parolier, Gilles Thibault, ancien trompettiste chez Claude Luter, "de faire quelque chose avec cette histoire-là" 

    Thibault réussit vite un texte flamboyant et venimeux, grouillant de vie et de mots crus. Exemple : "Les fossoyeurs jouent au bowling/ Têtes de Turcs, têtes de Kings... ", etc. Hélas ! Aucun compositeur ne parvint alors à se mettre au diapason (rock) de l'entreprise. Le projet fut donc enterré. Jusqu'au jour où Pierre Groscolas, jeune musicien dans le vent, s'attela à la partition.  

    On pouvait enregistrer. Avec quels instrumentistes ? Quinze jours passés à Milan. Pour rien. Ou plutôt pour quelque 400 000 Francs envolés. Malgré toute leur bonne volonté, les violonistes et les hautbois de la Scala de Milan ne parvenaient pas à swinguer et à jouer sur les rythmes violents de la section rythmique pop. Les solistes de l'Opéra de Paris firent l'affaire. Trois mois en studio, deux mois de mixage. Pendant ce temps, se préparait la maquette de l'album. Un livret somptueux illustré par un jeune peintre, Marina Clément, où Johnny apparaît en col de dentelle sur fond de pierres sanglantes. Quand tout fut au point, un million et demi de Francs manquaient dans les caisses de Phonogram...  

    Le double album est sorti à la fin d'octobre 1976. Mais sa parution a été éclipsée par le show de Johnny au Palais des Sports. Et puis les fans ont mis un certain temps à réagir devant une image de leur idole aussi insolite. Le premier moment de stupeur passée, les radios, elles aussi, découvrent dans "Hamlet" un chanteur étonnamment en progrès. Et commencent à diffuser "Ophélie", avant de s'attaquer à l'"Asticot roi" ou à "Je suis fou comme une tomate". Sans doute hésiteront-elles plus longtemps, avant de passer cette "orgie" où les "sexes bougent" et où "les voiles" de deuil font du strip-tease".  

    Mais pour Hallyday, la partie est gagnée. Déjà 100 000 albums ont été vendus, et chez certains disquaires ? qui l'eût cru ? ? le coffret "Hamlet Hallyday" est exposé au rayon classique, par ordre alphabétique. Juste avant Horovitz.
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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:58

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    1959-1979:Vingt années de Johnny Hallyday sur scène

    Par par Philippe Adler et (L'Express), publié le 13/10/1979

    1959: «prise de l'Alhambra» par Johnny Hallyday, dans le fracas des fauteuils brisés. Devant l'idole naissante, le parterre crie au fou, Mauriac évoque le Diable, et de Gaulle lui-même... 1979: l'anniversaire se fêtera pendant un mois de concerts monstres... Pour mieux comprendre ces vingt années d'une bête de scène, Philippe Adler a suivi Johnny pendant quinze jours, partout, jusque dans les coursives du Foch. Son cri du coeur: «C'est ça, un chanteur populaire!»

    Parmi les vingt-quatre musiciens de l'orchestre, il y aura un père et son fils. Gilbert Dall'Anesse, 47 ans, saxophoniste. Et Rémy Dall'Anesse, 23 ans, bassiste. Le fils de Johnny et Sylvie, David, 13 ans, ne sera pas de la fête. Il aurait pu. Tous ceux qui l'ont entendu sont formels: il joue déjà de la batterie comme un vrai "pro". 

    Ça ne rajeunit personne, cette histoire de rock and roll de père en fils. Et puis, cet "événement des vingt ans de scène de Johnny", ça vous a un petit côté enterrement de première classe, médaille du mérite, bonsoir Trenet, good bye Joséphine. Est-ce qu'il n'aurait pas mieux valu fêter ça entre copains, un gâteau, vingt bougies, trois doigts de nostalgie? Un autre l'eût sans doute fait. Pas Johnny. Les défis, il aime. 

    Stylos-Borgia

    Vingt ans que ça dure. Peu importe que vous l'aimiez ou non: vous avez vécu ces vingt dernières années avec lui à vos côtés. Il était là sur votre premier électrophone, dans vos premières surboums. Il était sur la scène du Palais des Sports en 61, quand, pour la première fois, on a cassé sept cents fauteuils en un soir. Là aussi, lorsque, à l'appel d'Europe 1, 200 000 "copains" déboulèrent place de la Nation. Le lendemain, souvenez-vous, le général de Gaulle proposait d'utiliser toute cette énergie à la construction de routes, François Mauriac invoquait l'?il du Malin ou presque, et Edgar Morin lançait dans Le Monde le mot: yé-yé. 

    Son service militaire, il l'a fait sagement. Parce que cela paraissait normal et que partout, en gala, en tournée, on lui disait: "Vas-y, Jojo! Montre leur que t'es un homme!" Et puis il s'est marié. Il a eu un gosse. II s'est mis des fleurs dans les cheveux. Comme presque tout le monde. Et puis son ménage a dû affronter des vagues, des tempêtes. Normal. Elle est partie, elle est revenue. Banal. 

    Il a cassé plus de voitures que d'autres, mais il a fait plus de kilomètres aussi. Pour le reste, il part parfois faire ses galas comme vous allez au bureau le matin. Sa maison, il la paie par traites. En tirant la langue. Sans doute, tout le monde ne doit pas 900 millions de centimes à sa maison de disques (qui a remboursé le fisc pour lui), mais, franchement, il n'est pas le seul à être dans le rouge à sa banque. 

    Bernard Charlon et moi, nous nous sommes installés quinze jours dans sa vie. Pendant les huit premiers jours - "Salut, ça va?" - Johnny nous aura flairés, jaugés, pesés. Au bout de huit jours, il abaissera sa garde. Un autre homme. Pas Gémeaux pour rien. 

    La presse, Johnny s'en méfie. Il n'a pas forcément tort. Trois exemples. Quand, à 16 ans, il débute à l'Alhambra - cinq chansons dans le programme de Raymond Devos, qui, lui, a tout compris et l'a voulu - les critiques vont sortir leurs stylos-Borgia: "Un cow-boy de pacotille qui relève de l'institut psychiatrique... Ce beau blond se trémousse en poussant de petits cris aigus qu'il compose, paraît-il, en écoutant des disques de Brahms. Exhibition de très mauvais goût... Hystérique promis à brève échéance au cabanon... Cet adolescent du type beau garçon boucher tient sa guitare comme un aspirateur, on n'en parlera plus dans un an." Et voilà! Garçon, l'addition! C'est un peu dur quand vous débutez avec la musique dans la peau et que vous avez senti avant les autres que votre génération, celle de l'après guerre, s'apprête à renvoyer ces bêleurs à leurs abreuvoirs pour qu'éclate le bon temps du rock and roll. Plus tard, en 1963, alors que sa carrière marque le pas, un magazine publie une photo de Johnny devant une affiche de James Dean, avec pour légende: "Lui (Johnny) n'est pas mort assez tôt." 

    Le baiser du père

    Enfin, on sait que Johnny a été abandonné par son père, un comédien, alors qu'il n'avait que quelques semaines. La première fois qu'il reverra ce père, c'est à 20 ans, alors qu'il fait son service militaire à Offenbourg. "Un jour, on m'a appelé au poste de garde. Là, j'ai vu un inconnu, un véritable clochard, qui m'a pris dans ses bras en m'appelant son fils. Bien entendu, il y avait un photographe. Son journal avait offert 5 000 francs à mon père pour qu'il se prête à cette comédie des retrouvailles!" Difficile d'aimer les journalistes après ça. Depuis, Johnny a tenté quelquefois de revoir ce père fantasque, fou, alcoolique. Aujourd'hui, il a renoncé, et se contente d'honorer les notes d'hôpital qu'on lui fait régulièrement suivre sous menace de saisie. Six ou sept millions de centimes, par an. 

    Véritable enfant de la balle, Hallyday est élevé par sa tante, sa cousine Desta, et Lee Hallyday, le mari de celle-ci. A 3 ans, il est déjà dans les coulisses des music-halls et des cabarets où Desta et Lee présentent un numéro de danse acrobatique. Ce sera toute son école. 

    A 11 ans, pour la première fois, il monte en scène. A Copenhague. Déguisé en-cow-boy. Il s'accompagne la guitare. Davy Crockett et Jeux interdits. Un peu plus tard, il ajoutera Georges Brassens à son répertoire. Jusqu'au jour où il découvre le rock, par hasard: "A Montmartre, je suis entré dans un cinéma pensant voir un western. Mais c'était un film musical, et je suis parti avant la fin. Et puis, toute la nuit, j'ai repensé à ces cinq ou six filles qui étaient dans la salle et qui se mettaient à hurler dès qu'apparaissait le chanteur. J'y suis retourné le lendemain. Il y avait d'autres filles dans la salle et elles hurlaient de la même façon. En sortant, j'ai regardé le nom du chanteur sur l'affiche. J'ai décidé que je chanterais comme lui." 

    Devos à la rescousse


    A l'époque, Desta et Lee ont trouvé un engagement de longue durée dans une boîte de Pigalle, et Johnny ne change plus de ville chaque soir. Pour la première fois de sa vie, il va pouvoir entrer dans une bande, se faire de vrais copains. Dans cette bande de la Trinité qui se retrouve chaque après-midi autour du juke-box du Golf Drouot pour écouter les premiers 45 tours d'Elvis, de Bill Haley, d'Eddie Cochran et de Gene Vincent, il y a des fils de bourgeois (Jacques Dutronc), des étalagistes (Long Chris, aujourd'hui encore parolier de Johnny et antiquaire au Village suisse), des employés de bureau (Eddy Mitchell), des commis bouchers, des apprentis, de futurs taulards. 

    Lee et Desta décident alors de sacrifier leur propre destinée artistique pour s'occuper de la carrière de Johnny. Mais la France n'est pas encore mûre pour le rock. D'auditions en brimades, d'"On vous écrira" en "Vous n'êtes vraiment pas le genre de notre établissement. Essayez donc à Médrano", Hallyday apprend le métier. A la fin de 1959, soutenu, porté par la bande du Golf, il va commencer à voir les portes s'entrouvrir, jusqu'à ce fameux engagement à l'Alhambra. Chaque soir, dans la salle, ce sera l'empoignade entre le parterre environné: "Au fou, sortez-le!" et le balcon en cuir noir "Vas-y, Jojo! T'es le meilleur." Lui, se roule déjà par terre, meurt déjà sur sa guitare, fait déjà l'amour: son micro. Le jour où le directeur de l'Alhambra veut le mettre à la porte - trop de casse, trop de scandales - Devos déboule dans le bureau:. "Si le petit s'en va, je pars aussi!" Le petit restera. C'était il y a vingt ans... 

    Cet anniversaire, ce fameux anniversaire de la prise de l'Alhambra depuis, il a enregistré quatre cents chansons et vendu 50 millions de disques - Johnny voulait le fêter au Parc des Princes. Un seul concert dément: 80 000 spectateurs, 16 000 m² de bois posé sur la pelouse, arrivée en hélico, et tout et tout. Les services de sécurité de la Préfecture ont refusé. Il a fallu se rabattre sur les anciens abattoirs de La Villette. Quatre mille huit cents places. Un mois de spectacle patronné par TF 1 et RTL. Un "space rock show" mis en scène et en musique par Jean Renard. Une scène en forme de piste d'atterrissage, vingt-quatre musiciens et choristes déguisés en astronautes, un engin spatial qui descendra du ciel, des rayons laser, des bruits cosmiques, des explosions, des cascadeurs, et lui, habillé par Marc Bohan, qui entrera en scène en chantant L'Ange aux yeux de laser. C'est vrai qu'il a des yeux bleus, bleu pâle, à vous découper une tôle et à vous faire fondre un cœur. 

    1 500 matafs survoltés

    Johnny est n°1. Depuis vingt ans maintenant. Il est beau. Il est doué. Ça ne suffirait pas. Il n'y a pas de mystère: c'est un bûcheur, un vrai. Il va le prouver le jour où on embarque sur le porte-avions Foch, à Toulon, pour aller tourner l'émission de Mourousi. L'accueil des marins est parfait. On se croirait à Rosny-sous-Bois. Les musiciens au bar, la presse et l'entourage au fumoir, Johnny chez le commandant. Nous, on a envie de voir la tête du Pacha, on suit. Il est 20 h 30, et déjà quinze cents matafs survoltés attendent en piaffant dans la soute du Foch aménagée en Olympia-sur-Mer. Dans un coin du salon, une table dressée. Cinq couverts. 

    Seulement voilà, à la demande de Johnny, les musiciens viennent nous rejoindre. Puis les journalistes, les collaborateurs, les amis. Très vite on est trente chez le Pacha. Et ça papote et ça champagne, et ça rigole. Johnny, lui, déjà se ramasse, se concentre, s'isole. Vous regarde mais ne vous voit plus. Vous écoute mais ne vous entend plus. Fas-ci-nant. Un python qui gonfle ses anneaux. Le commandant, lui, s'inquiète: "J'avais fait préparer une petite dînette, mais je ne peux quand même pas organiser une surboum dans les appartements de l'amiral!" 

    Ouf, arrive un enseigne de vaisseau qui annonce qu'une collation est servie à la cafétéria. Cavalcade dans les coursiyes. En quinze secondes, plus personne chez le Pacha. Johnny se lève. Non merci, lui n'a pas faim. Il préfèrerait voir l'endroit où il va devoir chanter. Mourousi et le commandant passent à table. 

    Boulogne, studio 92, un samedi soir. Derrière la vitre, la nuit totale. Juste un point rouge. La quarantième Gitane de la journée. "Je suis seul dans ma peau, je suis seul dans ma peau, je suis seul dans ma peau." A chaque "p", le micro oscille, puis s'envole sous la percussion. Johnny reprend cinq fois, dix fois, quinze fois. La voix est pure, dure, métallique. A croire qu'il a du tungstène dans les cordes vocales. "Pas du tout, dit en riant Loulou, son toubib, son ami, belle tête à jouer les médecins romantico-déchus dans un feuilleton de brousse avec Curd Jurgens et Robert Hossein. Les cordes vocales de Johnny sont normales. Très fortes, mais normales. Tout s'explique par le travail." 

    L'amant et le Bon Dieu

    Son spectacle de Pantin, Johnny le prépare comme un athlète. Fini l'alcool, finies les virées à l'Elysées-Matignon, finis les petits plats en sauce. Jogging et carottes râpées. Dix kilos à perdre, 10 kilos perdus. Johnny se lève à l'aube et respecte sans broncher le programme que lui établit chaque jour Jean Renard: mise au point, répétition avec l'orchestre, interviews. Et quand, pour se détendre, ils vont taper quelques minutes dans un ballon, Johnny le fait en récitant ses textes. 

    Et pourtant le travail n'est pas tout. Des artistes doués et qui ne rechignent pas à la tâche, on en trouve à la pelle. Peu durent vingt ans, aucun n'est une idole. Pardon pour ce mot, il paraît qu'il fait kitsch, n'empêche qu'on l'a réinventé pour Johnny et que personne n'aurait pu chanter "Les gens m'appellent l'idole des jeunes, il en est même qui m'envient..." sans sombrer dans le ridicule. Aujourd'hui, dans les salons, on dirait qu'il a du "charisme", et c'est vrai. Il entre quelque part, les conversations s'arrêtent. Dans la rue, on se retourne. Dans les resto, on l'embête. "Je sors de moins en moins pour ne pas être sollicité. C'est ennuyeux de dire non, mais vous ne pouvez pas passer votre journée à signer des autographes." Quelqu'un tend un billet de 100 francs à Johnny pour qu'il le signe. Il refuse en me faisant un clin d'?il: "Il est fou, ce mec! " 

    Ce qui lui fait peur, aussi, c'est la foule, les gens qui veulent le toucher. J'ai vu la scène. On l'effleure. Ou on l'empoigne. Comme pour vérifier que c'est vraiment lui et qu'il est vraiment fait comme les autres. Terrifiant. Pourtant, sur le Foch, à la fin de son spectacle, blanc dans son costume d'Indien acheté chez le costumier le plus célèbre de Hollywood, c'est lui qui partira, soudain, cheveux fous, noyé de sueur, se livrer aux mains de deux mille fans déchaînés. On va alors le voir disparaître dans une mer de pompons rouges, puis se retrouver hissé sur des bras tendus, et porté ainsi, de main en main, comme un grand cormoran mort, nuque brisée. 

    D'où vient cette fascination, si ce n'est de sa vie. II est celui qui a réussi à s'en sortir, alors que, au départ, le handicap social et familial était lourd. Et l'on se raconte ses accidents de voiture, ses virées à moto, ses soirs de déprime, ses millions qui valsent sans que même lui les voie - "Une année, avec les amendes fiscales que j'avais, chaque fois que je gagnais 1 franc j'en devais 1 F 30! Et ce n'était pas 1 franc qu'il gagnait. On évoque ses bagarres, ses cuites, ces jouets qu'il s'offre et qu'il abandonne à peine sortis de leurs boîtes, et ces bouffes gigantesques où viennent s'asseoir à sa table les maquereaux de la resquille qui s'éclipsent en bâillant à l'heure de l'addition. 

    Car Johnny est seul. Même s'il y a toujours beaucoup de monde autour de lui. Une bagarre après un gala à la sortie d'un bistrot entre ses fidèles et des loulous dés?uvrés et agressifs, et c'est lui qui portera le chapeau. Un gala qu'il fait annuler parce que l'organisateur local n'a pas respecté le contrat, que la scène est trop petite, l'éclairage défaillant, la sécurité non assurée, et c'est lui qui sera coupable. Une télé loupée parce que la prise de son a été bâclée, qu'on s'est arrêté, syndicalement, à 18heures pile, ou qu'on a menacé de déclencher une grève si le propre ingénieur du son de Johnny s'approchait des manettes, et c'est lui qui paiera les pots cassés. 

    Aujourd'hui encore, le courrier est apporté à son fan-club par sacs postaux. Et Josette, qui, depuis quinze ans, ouvre les lettres, est formelle: "Je me suis occupée du courrier d'autres vedettes. Johnny est le seul à recevoir autant de lettres. Les autres, on leur écrit pour demander une photo ou quand ils sortent un disque. Lui, c'est toute l'année." Qui écrit à Johnny? Tout le monde, mais plus particulièrement ceux que la vie a blessés. Adolescents déboussolés, taulards, malades, personnes seules, abandonnées, roulées. On lui demande des conseils, des parrainages, de l'aide. Il est tout à la fois le copain, le frère, l'amant et le Bon Dieu. C'est cela, un chanteur populaire. 

    Depuis qu'il chante, Johnny ne s'est pas trompé. Ses chansons, il les choisit avec un instinct de chat. Ou de caméléon. Car il en a porté des costumes! Rock and roller pur et dur, twisteur de surboum, motard tendance Hell's Angels, hippie à bandeau et barbe, cow-boy de Nashville, bluesman esseulé. Même si, en y regardant de plus près, on s'aperçoit que Johnny n'a toujours chanté que deux grands thèmes: l'amour et la solitude. 

    C'est pour cela qu'il est difficile à déboulonner. La vague de nouveaux groupes français n'ira pas s'y frotter. "Evidemment, dit-il en riant à 36 ans, je ne peux plus chanter: "Maman m'a grondé ce matin parce qu'on a fait trop de bruit hier soir pendant la surboum."" Mais la musique qu'il chante, les rythmes sur lesquels il a toujours posé sa voix sont ceux-là mêmes qu'utilisent Téléphone et Starshooter. A-t-il loupé le train du disco? Pas vraiment. 

    Le disco n'est jamais qu'une excroissance de plus sur le tronc commun du rock and roll. Et, sans doute, le public français lui est-il reconnaissant de ne pas avoir rallié le clan de tous ceux qui se sont mis à chanter en anglais du jour au lendemain. Même si revenait, demain, le temps de la valse et du paso, Hallyday resterait en piste. Et s'il se roule encore par terre à 50 ans, c'est qu'il pourra le faire. 

    L'appétit de Depardieu

    En attendant, et pour la première fois, il semble avoir un vrai projet de film. Une Série noire tournée par Monicelli, avec Depardieu et lui en vedettes. "Jusqu'à maintenant, j'ai joué dans de mauvais films et j'étais un chanteur qui faisait du cinéma. Là, ce serait différent. "Depardieu, c'est Ie nouveau copain. Johnny est intarissable sur leurs bouffes, leurs rires, leurs joggings. "Le salaud, il vient me chercher à 8 heures, direction le Bois. Après il revient à la maison, et il vide mon réfrigérateur."  

    Mon réfrigérateur... Ma maison... Des mots nouveaux dans la bouche de Johnny. Pour la première fois de sa vie, il a un chez-lui. Un chez-eux. Une avenue calme d'Auteuil. Une maison ravissante cachée dans les feuillages: Un salon cossu, confortable, chaleureux, genre demeure coloniale sud des Etats-Unis. Divans et fauteuils cannelés. Gros coussins. Beaux livres. Proust et Hamlet. Lampe de Gallé. Et, partout, d'ahurissantes statues noires, hyperréalistes avant la lettre. Il nous montre un tableau. Très salon d'attente, notaire de province. "Ça, c'est ma femme qui l'a acheté..." 

    II ne dit pas Sylvie, mais ma femme. Justement, Charlon aimerait bien faire une photo d'eux deux, mais une vraie. Tendre. Jolie. Johnny rigole. Puis se lève: "Venez voir." On le suit sur la terrasse. "Voilà, tu vois, on pourrait dîner là, elle et moi, en tête à tête. Une jolie nappe. Des chandelles. Faire comme Brel." Comme Brel? "Oui, c'est Madly, sa compagne, qui m'a raconté. Là-bas, aux Marquises, sur leur atoll du bout du monde, dans leur cabane, tous les samedis soir, elle et Jacques dressaient une table splendide, allumaient des bougies, et dînaient comme ça, elle en robe longue et lui en smoking..." 

    Le jour prévu pour la prise de vues, Johnny rentrera maussade de la répétition. Et voudra poser en décontracté. Plus de smok. "On m'a interviewé cet après-midi... Un journal de gauche. Ils ne m'ont pas posé une seule question sur ma musique. Seulement, est-ce que je suis bourgeois, est-ce que je ne suis pas embourgeoisé? Rien que ça. Pendant une heure." 

    A un moment, le téléphone sonne. Johnny va décrocher. C'est pour David. "Vous vous rendez compte... C'est une fille qui l'appelle!" Soudain, il n'y a plus de Johnny Hallyday. Simplement Jean-Philippe Smet. Né dans la rue et papa gâteau.
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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:58

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    1982: pourquoi Johnny?

    Par Danièle Heymann et (L'Express), publié le 10/09/1982

    La dernière folie Hallyday : 15 millions de Francs pour son show du Palais des Sports. Danièle Heymann s'est demandé pourquoi le roi Johnny nous fascinait depuis un quart de siècle.

    Il s'agit de la peur : " Elle a ses lettres de noblesse/Hiroshima et Buchenwald/Elle est la tronçonneuse qui laisse/le baiser rouge de métal/Elle est le cancer, la chaux vive/elle blanchit cheveux et squelette... ", etc. Du haut de quelle chaire, dans quelle cathédrale, quel prophète de l'Apocalypse va délivrer ce funèbre message ? Erreur sur la terreur. Elle sera dispensée, à partir du 14 septembre et pour deux mois, au Palais des Sports de Paris, par Johnny Hallyday. Le copain quasi quadra annonce ainsi la couleur de son nouveau spectacle étrangement adapté à nos temps troublés. Certes, il va encore célébrer la messe selon saint Rock, mais accordée à la violence ambiante, arguant qu'il vaut mieux, n'est-ce pas, l'exorciser en chansons que la subir en moutons...  

    Jean Renard, solide musicien à la bedaine de gastronome, mais aux oreilles de métronome, met en scène la première partie de ce show superlatif, où "un survivant indestructible (Johnny, vous l'auriez deviné) surgi du domaine des ombres va hanter le siècle jusqu'à la catastrophe finale". Il évoque en vrac, pour le définir, "Conan le Barbare", "La Guerre du feu", "Mad Max". et en révèle pêle-mêle quelques ingrédients explosifs.  

    Rideau de pluie de 25 mètres de long tombant sur scène, orages électriques, montagne de voitures calcinées, zombies surgissant des entrailles ouvertes du plateau, glas sonnant en quadraphonie... Renard a été jusqu'en Californie pour s'inspirer des derniers trucages en pratique aux Studios Universal et jusqu'en Floride pour débaucher, à Disney World, un Turc d'Istanbul champion des changements à vue, qui, pour la somme raisonnable de 8000 Francs, va faire chaque soir disparaître Johnny dans mi nuage après sa crucifixion. Ressuscitant à la troisième minute, Johnny redescendra, Dieu merci, des cintres pour chanter un poème de Philippe Labro sur la septième symphonie de Beethoven et "faire un bras d'honneur à la mort".  

    Tout cela, franchement, ne peut être porté, emporté, supporté (et supportable) que dispensé par Jojo Ier, "le vieux rocker", comme il se qualifie lui-même, parfois, en privé... Tout cela coûtera, c'est effarant, 15 millions de Francs. Cher. Trop cher ? Pour qui ? Pour lui, sans doute, qui, en partie producteur de sa propre folie, ne gagnera pas un centime pendant son épuisant marathon de la porte de Versailles, même si chaque soir la salle est comble. 

    François Mitterrand et Elsa Triolet

    Manifestement, il s'en fout. Dans sa vertueuse et venteuse retraite du Touquet, il répète, il bosse, il se lève à l'heure où il s'est si longtemps couché (le matin), il caracole pour la forme sur sa grosse Kawa rouge, et revient vite vers les six musiciens anglais qui l'attendent au Centre international de perfectionnement. Sous cette appellation qui suggère un nid discret pour barbouzes apatrides ne se dissimule qu'une vaste villa anglo-normande mise à la disposition des congressistes et autres séminaristes laïques par la municipalité.  

    Johnny répète, bosse, reprend pour la cinquième fois "Veau d'or vaudou" ("La raison du plus fou, la folie du plus fort"). Il est en voix, il est en jambes. Un petit anneau d'or à l'oreille. Les cheveux décolorés bien jaunes, mais qui deviendront d'or aussi, sous les projecteurs.  

    Sur la table, près de lui, des "dopants" superinnocents ; café, miel, Contrex... Difficile d'imaginer que, dans quelques jours, ce besogneux paisible en T-shirt et blue-jean anonymes va se métamorphoser en demi-dieu tonitruant, moulé dans son armure de cuir noir cloutée, brandissant une guitare en forme de hache... Mad Johnny.  

    Il y a quelques années, après la première d'un show Hallyday au Palais des Sports, je me retrouvai soupant en face d'un homme qui manifestait d'une voix tranquille un enthousiasme juvénile. Je me permis de m'étonner. N'avait-il pas été choqué - lui - par la brutalité délibérée du son et -des lumières? "Non, pas du tout." N'avait-il pas prêté attention - lui au manège assez révoltant des videurs du service d'ordre hallydien, repoussant la marée déferlante des fans des premiers rangs contre les barrières métalliques, matraque au poing et, pour certains, casque de la Wehrmacht sur la tête? "Non, il n'avait pas remarqué." En un mot, ne jugeait-il pas - lui - le spectacle efficace, mais vaguement facho? "Ah, non !" il trouvait le spectacle tonique, authentique, prodigieux de vitalité et de jeunesse.  

    Cet homme, c'était François Mitterrand... Et avec lui, depuis exactement vingt trois ans (1959, prix de l'Alhambra), il y a vous, moi, et des centaines de milliers de jeunes ou d'anciens jeunes de la place de la Nation ou d'ailleurs. Il y a des loubards. des P.D.G. et Elsa Triolet, qui écrivit : "De quoi lui en veut-on, à ce splendide garçon, la santé, la gaieté, la jeunesse mêmes ? De la qualité de ses dons et de son métier acquis... Lorsqu'on [lui] tombe dessus, je connais en moi cette colère qui me prenait au temps où l'on essayait d'abattre Maïakovski... ". 

    Dernier en date des fascinés, Daniel Rondeau, journaliste de 32 ans qui a récemment publié "L'Age-déraison" ou "La Véritable Biographie imaginaire de Johnny H.", essai brillant et passionné où le dédicataire, ému, s'est reconnu, malgré les entorses lyriques à la réalité. Oui, pourquoi Johnny H., ce grand puma peu loquace, pas tellement exportable, pas toujours fréquentable, subjugue-t-il depuis près d'un quart de siècle ? Certes, il a eu l'instinct, en se déguisant successivement en rocker, en hippie lanceur de rosés ou en hell angel, de ne suivre que l'écume des modes ; certes, il a eu l'intelligence, à travers une musique ni très pure ni si dure, de ne chanter que les dénominateurs communs du plus grand nombre, l'amour et la solitude. Mais encore ?  

    Footing, jogging bodybuilding

    II apporte la réponse, avec une belle simplicité. "J'ai été une idole. Mais une idole, c'est jamais qu'un mec à qui les mômes ont envie de ressembler." II cite James Dean, une de ses idoles à lui : "Un nabot qui n'a tourné que trois films... Le talent, ajoute-t-il, n'a rien à voir avec tout ça."  

    II parle des risques qu'il prend au Palais des Sports : "Le music-hall d'antan, c'est terminé. Je veux me prouver que je suis dans le coup. Le danger, ça m'excite, mais ce que je vais faire défie la logique. En tout cas, ça ne durera pas éternellement. Tu me vois chanter "Da dou ron ron" à 70 ans ? " II parle désormais : "Maupassant et Faulkner, c'est super", "Si je me suis tu longtemps, c'est pour échapper au mépris de certains..." Et, tout bas, il dit : "La prise de conscience, c'est un danger mortel. J'ai failli ne pas m'en remettre."  

    Pierre Billon, à la fois son directeur artistique et son directeur de conscience corporelle, qui lui prescrit footing, jogging et bodybuilding, mais lui écrit aussi des textes perspicaces, avait glissé le message pathétique dans le dernier 30-cm : " Quand je serai... un souvenir de rocker... Quand mes traits auront pris tant de lumière qu'ils ressembleront à des posters... Alors, je serai sage pour vous et mort pour moi. "  

    II semble bien que, aujourd'hui, arrivé une fois de plus aux marches du Palais (des Sports), Johnny Hallyday soit plutôt devenu sage pour lui et qu'il ne soit mort pour personne. Quarante ans bientôt... N'est-ce pas l'âge où la vie commence ? C'est, en tout cas, celui où Johnny continue. Tout n'est pas perdu.
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    Message par Jean Mar 10 Mar - 15:59

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    1986: Johnny, cheveux blancs, idées neuves

    Par par Patrice Bollon et (LEXPRESS.fr), publié le 25/07/1986

    On l'avait quitté, il y a quelques mois, le cheveux court et naturel, sobre et réfléchi, amant enfin stable et père heureux. Voici qu'on le retrouve seul, exhibant une coupe de mutant punk albinos, les cheveux blancs de neige dressés sur le crâne. Johnny Hallyday aurait-il, une fois de plus, changé? Et serait-il revenu à ses vieux démons?

    En vérité, il est, à Budapest, dans ce Terminus,de Pierre-William Glenn, un soldat de science-fiction aux commandes d'un camion-ordinateur. Une sorte de remake de ce Mad Max, tourné simultanément en français et en anglais, qui sortira pour les fêtes de fin d'année. Le troisième vrai rôle d'Hallyday, celui auquel il attache le plus de prix, la confirmation de sa nouvelle carrière. Car il est bien devenu acteur. Un vrai comédien? 

        Dans la douce France de Trenet, il est l'exutoire d'un simulacre de révolte adolescente


    Assez bon, du moins, pour avoir déjà sauvé sa mise dans deux films passablement ratés: le confus Détective, de Jean-Luc Godard, l'année dernière; et, récemment, Conseil de famille, de Costa Gavras, une comédie pétrie de bonnes intentions, mais où l'on ne rit jamais vraiment. Etonnante reconversion, tout de même, d'un chanteur à qui personne - et peut-être pas même lui - n'eût, à ses débuts, donné plus de quelques saisons d'espérance de succès. 

    Car il ne possédait guère d'atouts, a priori, pour durer: ni une voix exceptionnelle, ni un génie de compositeur ou de parolier, ni même l'intelligence anticipatrice des modes. Seulement une personnalité - et encore, des plus insaisissables... 

    Enfant de la balle, abandonné par ses parents et recueilli par sa tante française et son oncle américain, un couple de danseurs acrobatiques de music-hall, il n'était encore, à l'orée des années 60, que Jean-Philippe Smet, un adolescent ordinaire, un peu farouche et ingrat. Le soir, grimé en trappeur, il interprétait, entre deux numéros de ses parents adoptifs, des chansons de Montand et de Brassens. A l'occasion, il animait des bals dans les clubs ringards de Pigalle. Le jour, il traînait dans la rue, il allait au ciné. Le rock allait tout changer, et tout lui donner: un moyen d'expression, un but - presque une "identité". 

    Entré par hasard dans une salle des Grands Boulevards pour y voir ce qu'il croyait être un western, il en sort choqué, et plus intrigué que séduit. Le film, qu'il devait voir sept fois, Loving You, racontait, de façon fort romancée, les débuts d'Elvis Presley. 

    Le fougueux

    Un mois plus tard, le jeune homme timide troquait son costume de Davy Crockett contre une incroyable chemise à jabot et un pantalon de Skaï noir moulant, sa guitare espagnole contre une splendide Ohio électrique rouge extraplate. Et il montait sur scène en se trémoussant comme le King, jetant par en dessous des regards torves d'incompris révolté à la James Dean. En six mois, Johnny Hallyday rassemblera son cercle d'admirateurs; un an plus tard, il sera une star. 

    Il a su capter les désirs de toute une génération. Les enfants du baby boom rêvent d'Amérique et de liberté. Avec son pseudonyme et sa biographie imaginaire (il se dit fils de cow-boy, né dans un ranch du Texas), il incarne ce rêve. Il ne chante peut être pas très juste, les paroles de ses tubes sont anodines ou inaudibles; mais il a la fougue, le beau visage du voyou romantique: une présence, déjà. Plus les parents se déchaînent contre lui, plus les enfants l'adorent. Dans la douce France de Trenet, il est l'exutoire d'un simulacre de révolte adolescente. Ex la matérialisation de l'arrivée sur le marché d'une nouvelle race de consommateurs: les teenagers. 

    Il saura utiliser ce potentiel économique. Quel rôle n'a-t-il pas interprêté, de quel look ne s'est-il pas affublé pour séduire? Méchant rocker, gentille idole, amant fleur-bleue, barbare motard, hippy fleuri, noceur enragé, et aussi bon-soldat, bon époux, bon-père: il aura tout été et le contraire de tout. Le plus curieux demeurant qu'il ne se soit jamais grillé aux yeux de son public, réussissant même à paraître authentique dans le kaléidoscope de tant d'images empruntées. 

    Aujourd'hui, à 44 ans, la période des travestissements semble bien terminée. L'idole apparaît sans fard, telle qu'en elle-même, sans prendre la peine de dissimuler ses rides. Les nuits blanches d'affilée, ses excès lui avaient bouffi les traits et alourdi les paupières. En le redessinant au plus près, la maigreur offre à son visage une étrange intensité, presque douloureuse, un poids qu'on ne lui soupçonnait guère. Mais un sourire suffit pour que reparaisse l'adolescent d'hier. Difficile, pourtant, de reconnaître, de prime abord, en cet homme presque taciturne, le rocker baroque et arrogant de la scène. 

       Il captive - et émeut - parce que, sous l'apparence des clichés, quelque chose en lui demeure inentamé, pur, indompté

    L'homme serait-il double: écorce dure, c?ur vulnérable? En répétition, il plaisante avec ses musiciens, grillant cigarette sur cigarette, avalant en hâte des cafés brûlants - comme le Johnny du mythe. En privé, il se retranche derrière le silence, balbutiant des réponses toutes faites ou évoquant sa nouvelle carrière de comédien avec les accents émerveillés d'un gosse qui découvre un jouet. Un naïf, Johnny Hallyday, comme on l'a si souvent et bien imprudemment écrit? Il sait ce qu'il fait, parlant avec lucidité de ses succès comme de ses échecs, de Godard, "ce prédateur qui vampirise si bien les acteurs", ou des rôles qu'il aimerait tenir plus tard. Mais, toujours, quelque chose le retient d'en dire plus: la crainte, la superstition peut-être qu'à force de s'interroger il ne brise le mécanisme qui lui permet de gagner. "Un jour, confie-t-il, je me suis examiné de si près que j'ai eu peur de me disloquer." Il ne se dévoile qu'en évoquant la figure de James Dean, son modèle de jeunesse, "un vieil adolescent qui faisait simplement rêver les vrais adolescents". 

    S'il arrive encore à séduire, ainsi qu'il le dit, trois générations, c'est qu'avec le temps il est devenu un grand professionnel, maniaque du détail. Sa voix même, jadis si limitée, s'est renforcée en puissance et en expressivité. Mais son succès lui vient d'ailleurs. Comme tous les héros populaires, Johnny vend moins des chansons ou un jeu d'acteur qu'un mythe, presque une destinée: celle d'un homme parti de rien et qui a réussi, par obstination, à vivre sa vie. 

    Car son habileté, non dénuée d'opportunisme, à épouser les mouvement de l'époque et son métier ne sauraient tout expliquer. Il captive - et émeut - parce que, sous l'apparence des clichés, quelque chose en lui demeure inentamé, pur, indompté. A l'écran, l'acteur est encore timide, gauche, bon élève. Sur scène, son véritable domaine, seul face à lui-même, il se laisse aller jusqu'à l'excès. 

    "Je suis une rock-star qui joue le rôle d'une rock-star", dit volontiers David Bowie. Pas de ces jeux de miroirs à l'infini chez Johnny Hallyday. Jean-Philippe Smet est, sur scène, totalement et sans recul Johnny Hallyday, et cette passion au premier degré le sauve bien souvent du ridicule où ses mises en scène menaceraient de le précipiter. Le public ne s'y trompe pas. Au-delà de cette générosité un peu brouillonne, il entrevoit la vérité du rocker triomphant: un homme qui n'a pas refermé la cicatrice du petit garçon abandonné pour qui les lumières de la rampe furent la plus éclatante des revanches. Star d'instinct, star naturelle, Johnny Hallyday est l'incarnation profane du vieux mythe romantique. Le paradis de la célébrité est un monde moral: seuls les perdants y ont véritablement accès. 
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    Message par Jean Mar 10 Mar - 16:00

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    1990 : Monsieur Hallyday

    Par Marylène Dagouat et Sylvaine Pasquier et (L'Express), publié le 07/09/1990
    Il se redonne à Bercy, comme pour sacrifier davantage à une légende solide comme le rock. Dans sa guitare, trente ans de la vie d'une idole. Et de la nôtre : on a tous en nous quelque chose de Johnny.

    Il se redonne à Bercy, comme pour sacrifier davantage à une légende solide comme le rock. Dans sa guitare, trente ans de la vie d'une idole. Et de la nôtre : on a tous en nous quelque chose de Johnny. 

    Au bout d'un raidillon anonyme, une entrée, comme celle d'un canyon. Dans ce paysage chamboulé, une villa à la douceur italienne, ouverte comme une hacienda. Août à Saint-Tropez. Il surgit, à pas de loup, pieds nus, en short. "Bonjour, je suis Johnny Hallyday." II a un regard qui n'a l'air de rien, un regard presque chinois. Un regard qui embrasse la mer : "Quand on était gosse, on rêvait de conquérir ça." Le clin d'oeil s'adresse à son beau-père, son copain d'enfance. Long Chris, l'antiquaire. Trois Harley veillent au garage.  

    "En vacances, je ne pense qu'à bosser." Pourquoi s'inquiéterait-il ? Un mois avant le spectacle de Bercy, 160 000 places étaient déjà louées. Un record. "Je commence à mal dormir. J'entends du bruit partout. Je deviens invivable" Personne ne peut dire à quoi ressemblera le "Cadillac Tour". On annonce des moteurs, des motos, des cascades. Une presse à disques qui distribuerait des galettes toutes chaudes. L'homme qui chante ne dit qu'une chose : "Je veux 80 violons pour une chanson. Je n'aime pas les synthés." Jean-Claude Camus, son producteur et associé : "Au dernier moment, il est capable de tout changer. Traduction : c'est lui le patron.  

       M. Tout-le-Monde. qui lit "France-Soir", conclut qu'on n'en parlera plus dans six mois

    Avant, plus de trente ans avant, Johnny fut adolescent. Il grattait sa guitare sèche dans les caves du IXe arrondissement, avec Dutronc. Poussait la chanson au Marcadet-Palace, entre deux westerns de cinquième exclusivité. Agglutinait les minettes sur la scène du Golf Drouot. Ses premières apparitions publiques lui font une réputation. Les médias le traitent de "cow-boy de pacotille, échappé d'un asile". Il tient sa guitare "comme un aspirateur", et M. Tout-le-Monde. qui lit "France-Soir" (de l'époque), conclut qu'on n'en parlera plus dans six mois. Depuis, on l'a dit mort, submergé, fini. Il a résisté à tout. Le môme qui se roulait par terre, a l'Alhambra, pèse aujourd'hui 100 millions de disques. Ses derniers albums cartonnent entre 400 000 et 650 000 exemplaires. Un consensus l'entoure, à faire pâlir "Dieu" soi-même. On a pour Johnny, avant Tonton, inventé ce surnom. Des garnements de 14 ans ne jurent que par lui. Il fait pleurer les papys du premier rang. Le vacancier de Saint-Tropez ne se prend pas pour un héros. Il évoque "Le Testament d'un poète". l'une de ses dernières prestations, sur un poème de Machado : "Je n'ai jamais poursuivi la gloire/Ni cherché a marquer la mémoire des hommes/De ma chanson." Sur la baie des nantis, un soir brumeux annonce la nuit. Johnny plisse les yeux, dans la fumée de sa gitane bleue. "Ce que je fais n'est pas important. J'ai des copains, je suis content." Oui. mais encore ? "Je ne dirai pas la vérité, ça, vous le savez ! Donc, je peux dire ce que je veux ? Alors, à quoi ça sert ?" Début d'aveu.  

    1960. An 1 du mythe. Albert Camus vient de mourir. L'Occident, le pied sur la pédale de la croissance, communie dans l'urbanisation accélérée et les joies du Frigidaire. Sous la caméra de Godard, Jean Seberg pose la vraie question : "Dégueulasse ? Qu'est-ce que c'est, dégueulasse?" La France découvre l'"Algérie algérienne", et la génération du baby-boom ces moins de 20 ans que François Nourissier taxe de "cohorte dépolitisée, dédramatisée, immense, bien nourrie, ignorante en histoire, opulente, réaliste". La jeunesse se pose comme une tribu à part, une classe d'âge avec ses références, ses codes, son imaginaire. Elle a le pouvoir d'achat, pas encore la considération. Elle est gavée, gâtée, mais cloîtrée dans "ce monde adulte d'où suintent l'ennui bureaucratique, la répétition, le mensonge, la mort", écrira Edgar Morin. La radio serine "Scoubidou", "Si tu vas à Rio", "Papa, maman, la bonne et moi".  

    Le prince de la jeunesse

    Débarque le rock, cette "musique de nègres" colonisée par des Blancs. Un rythme né du blues, un truc de pauvres adopté, d'emblée, par les enfants de la prospérité. A la sortie de l'école, Long Chris négocie les microsillons dans les magasins PX des bases américaines. Le gringalet Hallyday, porté par la vague dont il est né, adapte Elvis Presley, Eddie Cochran, Chuck Berry. Première télé : Line Renaud lui sert de marraine.  

    En 1962, à Châlons-sur-Marne, Daniel Rondeau a 13 ans. Il n'a pas encore écrit "L'Age-déraison, véritable biographie imaginaire de Johnny H" (Seuil). Un dimanche après-midi, il attend en vain le chanteur, qui ne donnera pas le concert programmé au cinéma Vox, pour cause d'accident de voiture. "Pour moi, confie-t-il, il était le prince de la jeunesse. L'incarnation de la révolte et de la fronde. L'insolence, la fureur de vivre, l'énergie !" Johnny obtient la légitimité.  

    Le 21 juin 1963, ils déboulent à 200 000, place de la Nation, à Paris, pour retrouver Johnny, avec Sylvie et Richard Anthony. et célébrer le premier anniversaire de "Salut les copains", avec Daniel Filipacchi et Frank Ténot. Bataille rangée. Au petit jour, on se tabasse encore cours de Vincennes. Philippe Bouvard éructe, dans "Le Figaro" : "Quelle différence entre le twist de Vincennes et les discours du Reichstag?" C'est bien parti, Edgar Morin invente le mot "yé-yé". Un concept.  

       Elevé par un Américain, je n'ai jamais eu peur du ridicule

    Avant Johnny, il y eut les étincelles du jazz, qui ont détruit quelques fauteuils a l'Olympia, en 1955. Il y a eu Bécaud, et ses "100 000 volts", qui joue du piano avec les pieds, comme il a vu faire Jerry Lee Lewis en Amérique. Mais Johnny porte au paroxysme cette tradition du vandalisme immobilier. Avec ses déhanchements extrêmes, il déniaise l'Hexagone. "Il fut, estime le romancier Didier Decoin, le starting-block sur lequel toute une génération s'est appuyé les basket. Il était toutes nos audaces inavouées." On le sacre "idole des jeunes". "J'étais un peu excentrique, différent. Elevé par un Américain, je n'ai jamais eu peur du ridicule." OK !  

    "Itsy Bitsy, petit Bikini" écoeure les puristes. Commentaire de Johnny. aujourd'hui : "Un mec qui chante ça, c'est la honte ; on ne peut pas le dire intelligent." Le rock and roll, dans sa spontanéité des origines, est mort en 1962. "Et même en 1959, avec "Capitole". de Gene Vincent", affirme Eddy Mitchell. Johnny se perd en route. Il arbore la moustache, des rouflaquettes, des jaquettes à fleurs, des cuirs déchirés. Mariella Righini lui taille ("Le Nouvel Observateur", 1967) un costard sur mesure: "il est comme ces cover-girls qui peuvent tout porter. Moins elles ont de personnalité, plus les métamorphoses sont spectaculaires." Jalouse ! "Flower power" avant l'heure. Johnny proclame que Jésus-Christ est un hippie. Flop ! Il négocie mal le virage de 68. Piqué au vif par le centralien Antoine, qui le verrait bien "en cage à Medrano" dans ses "Elucubrations". Johnny réplique un peu vite mais avec prophétie par "Cheveux longs, idées courtes". Il invente des spectacles baroques et excessifs, avec fumigènes et lasers, boit la tasse en 1972, renaît. Loubard, routard, desperado, destroy. Il emprunte, copie, adapte, innove aussi. Il est un produit de synthèse. Il a une excuse : son contrat avec Philips l'oblige a sortir deux albums par an. En 1977 s'éteint le roi Elvis, obèse. Johnny signe sa filiation en faisant du lard. Il chante : " J'ai fait de ma vie comme sa vie une course folle. "  

    Gérard Miller, psychanalyste, insiste sur la souplesse, la plasticité de ses identifications : "Sans aucune pesanteur psychologique, n'inventant rien, prenant tout, il a su sacrifier ce qu'il fallait de lui-même et pas plus à chaque frémissement du goût, à chaque mode. "Dès que l'artiste sent un flottement, il retourne aux sources. Se donne au rhythm and blues. Et se rassure : "Toute la musique que j'aime/ Elle vient de là/ Elle vient du blues..." Frankie Jordan est dentiste, Frank Alamo bricole des moteurs de bagnole. On dit que Vince Taylor est chauffeur de taxi, à Paris. Richard Anthony a grossi. Que reste-t-il ?  

    La planète rock, sans roll. "Un style, un son, un esprit". dixit Johnny. Une façon de brûler sa vie, des histoires de révolte et de solitude, des motos, des perfectos et des mecs qui tombent des filles comme des quilles. avant de clamer " l'amûr toujûrs ". Reste Hallyday ?650 titres, à ce jour- planté dans ses santiags, qui scande, en 1985 : "Lutte pour écrire ton histoire/ Lutte pour garder ta mémoire/ Et pour garder en toi/ Une rock'n'roll attitude." Crédible.  

    Et voila que les "golden sixties" sont sacralisées. "Auparavant, on réhabilitait pour exclure, indique Pascal Ory, historien. A présent, on garde tout. Résultat : nous vivons dans un musée !" Au rayon 60, oubliées les inhibitions, les frustrations de l'époque. Triomphent la gaieté, l'optimisme, le progressisme et l'innocence. Traduite, en musique, par la pureté des sons et la simplicité des mélodies. Dans ce contexte revivaliste, Hallyday endosse l'habit de père fondateur et grimpe encore sur le piédestal. "Rien d'étonnant, estime le philosophe Gilles Lipovetsky. Tout mythe raconte le récit des origines. Les années rock servent de modernité aux jeunes générations actuelles. L'un des ressorts de la survie de Johnny Hallyday, c'est d'être à la fois contemporain d'une époque canonisée et archétype de cette période-là." Un exemple : d'un coup de son peigne ? objet fétiche assorti au costume, balancé dans la foule, il réveille la nostalgie des anciens et éveille l'envie des gamins. Analyse de l'idole : "Il faut toujours être bien coiffé." Avec le jazz, le rock, l'ethnologie, le cinéma, l'écologie émerge un monde de sensibilités neuves, fondées sur l'image, les rythmes, les timbres. "Dans ce cadre-là, explique le psychanalyste Félix Guattari, Johnny Hallyday joue le rôle d'une composante initiatique. Il a valeur de rupture, comme Sartre, qui, à sa manière, a su dire merde aux anciens combattants. Aujourd'hui, les clivages d'âge se sont apaisés. Apparemment. En fait, c'est le monde adulte qui se réclame des jeunes, qui les phagocyte. Il y a eu croisement entre les valeurs des deux groupes, mais nombre d'adolescents n'en sont pas moins abandonnés à eux-mêmes."  

    En 1989, "Mirador", une chanson de l'album "Cadillac", résonne en accord avec l'époque. Paroles d'Etienne Roda-Gil, musique de David H., fils de son père et de Sylvie V. "C'est la nuit, mais c'est pas le Pérou/ II y a des prisons a ciel ouvert partout/ II n'y a pas d'école pour apprendre à aimer/ II y a des écoles pour apprendre à tuer." La voix module la mélancolie, et non plus la rage criée dans "Le Pénitencier", un quart de siècle plus tôt. Hallyday a insisté, autrefois, pour chanter dans les prisons. Mais, au-delà, c'est comme s'il percevait le malaise diffus qui pèse sur nos sociétés démocratiques, où les grandes révoltes ont plongé avec les grandes causes. Où le repliement sur soi ne satisfait personne. Qu'il entende cela ne serait pas surprenant. On peut avoir raté le tournant idéologique sans être pour autant le beauf au carré que les gauchistes croyaient. Eux aussi ont fait du chemin.  

    Voyou dégénéré et petit-bourgeois

    "Au début, j'étais viscéralement contre lui, rappelle le philosophe Jean-Paul Dollé. J'étais étudiant, passionné de jazz, et la mythologie gaucho se partageait entre le free et le rock bluesy. Le yé-yé, c'était de la frime, de la roupie d'écoliers. Hormis Eddy Mitchell." Eddy, au moins, écrivait lui-même ses chansons. Rocker, mais au deuxième degré. Sans hystérie. Avec Eddy, on aurait pu discuter. Parmi les intellos de gauche militants, il y avait la fameuse superstructure bureaucratique stalinienne, et "ce cercle-là, se souvient Daniel Rondeau, vomissait Hallyday et ce qu'il représentait : un voyou dégénéré et petit-bourgeois".  

    Nos grandes têtes molles "allant au peuple" découvrent que les prolos, eux, achètent du Hallyday et en redemandent. Et les prolos, sanctifiés selon Marx, n'ont jamais tort. Alors, on rend les armes, sans trop l'avouer. On pardonne à Johnny les scories, les facilités, au nom de "Que je t'aime", l'un des sommets du répertoire. Mieux : il se retrouve en phase avec les années 80, quand débarquent les petits loups de la réussite. Mis à part le dernier bastion des récalcitrants, les puristes hard rock ou rap, l'Hexagone s'est pacifié autour de la dernière "idole des jeunes". Il fait partie de l'album de famille.  

       J'étais pauvre, je visais la chemise lamée et la guitare en or. Et puis, j'ai vu arriver les hommes d'affaires et les banquiers. Je signe des parfums et des jeans. J'ai parfois peur d'être une machine

    Daniel Rondeau : "Depuis trente ans, ses chansons tiennent le journal intime de la France." Johnny est une institution. "Un phénomène aussi important que le Club Méditerranée", affirmait Jean-Paul Aron dans "Les Modernes". L'intéressé, lui, voit les dangers : "J'étais pauvre, je visais la chemise lamée et la guitare en or. Et puis, j'ai vu arriver les hommes d'affaires et les banquiers. Je signe des parfums et des jeans. J'ai parfois peur d'être une machine." 

    C'est compter sans l'individu. Avoir peur, quand on a des réflexes de boxeur ? Il mène sa carrière de chanteur comme Ray Sugar Leonard, qui résume ses heures de gloire en une formule lapidaire : "J'ai frappé là où il y avait l'ouverture." A l'instinct. Après, seulement après, viendront les conseillers. Les bons et les mauvais. Johnny Starck. son premier imprésario, lui demande d'arrondir les angles et de rassurer les "croulants". Passent les copains, les profiteurs, les fous du roi. Rituel de cour : il y sacrifie, comme tous les souverains. Dès son contrat avec Philips, en 1962, il exige un nouveau matériel, anglais. Puis un saxo. Il embarque son équipe à Nashville (Tennessee), la Mecque du rock, et le berceau du "Ah. que..." dont les gens se moquent. Il roucoule : "Quand tu me dis, tout bas, tout bas, tout bas/ Ah. que tu n'aimes que moi..." II pique à Vince Taylor un batteur "sensationnel", Bobby Clark. Va chercher à New York un guitariste au jeu vraiment rock, Joey Greco, qui, avec les Showmem lui mitonne un album impeccable. "Les Rocks les plus terribles", juste avant son départ pour le service militaire. Il propulse à Paris un petit débutant découvert à Londres, Jimi Hendrix. Plus tard, il voudra Nanette Workman, choriste de Paul McCartney. Ce qu'il y a de mieux, tout le temps. Constat des gens du métier : "Travailler avec Halliday. c'est la chose la plus difficile. Donc, la plus excitante." Mouloudji lui rend hommage : "il appartient à la grande tradition du music-hall." Son seul héritage.  

    Il est enfant de la balle, funambule, inscrit, selon ses proches, dans une "dynamique de l'irrationnel". Autant dire qu'il les dépasse. Version de Bayon, critique musical, auteur d'" Animals ", roman (Grasset) : "Il a un parcours éperdu, il n'a jamais su où il allait, il ne sait pas qui il est, d'où il sort, ce qu'il doit faire d'un jour sur l'autre. C'est précieux." 

    Qu'y a-t-il avant Johnny ? Un cas social ? Un destin ? Il n'en sait rien. "Ma vraie vie a commencé quand je me suis appelé Hallyday. J'avais 16 ans. Avant, je n'ai aucun souvenir heureux." A 6 ans, il s'arrache les doigts dans un escalier mécanique. Lors de ses premières vacances à la mer, il attrape un coup de soleil qui l'empêche de dormir. C'est tout.  

       J'ai 47 ans. dont 46 de tournées

    Il est né Jean-Philippe Smet, le 15 juin 1943 de Huguette, crémière rue Lepic, et de Léon, Belge, artiste, fugueur, aventurier, journaliste, homme de cirque, qui s'évanouit, huit mois plus tard. En pleine guerre, la mère confie l'entant a Hélène Mar, soeur aînée de Léon, ancienne actrice du muet. Abandon voilé, difficulté passagère? Jean-Philippe reste avec Hélène, qui reporte sur lui les ambitions que Léon a déçues. Huguette capitule. Lancée par Eluard, elle devient mannequin. Le gosse grandit entre Desta et Menen, ses deux cousines, danseuses de music-hall, et Lee Ketcham, un gars de l'Oklahoma, meneur de revue, de quinze ans son aîné. La petite troupe sillonne l'Europe, de chapiteaux en cabarets, de succès en déboires. Le gamin apprendra l'italien et l'espagnol. mais ne mettra jamais les pieds dans une école. Johnny déclare : "J'ai 47 ans. dont 46 de tournées." 

    En guise d'éducation, il hante les cinémas, avec sa tante. Il a 15 ans. Et découvre le nouveau profil de Hollywood, c'est-à-dire Marlon Brando, Monty Clift, James Dean. Les stars "intérieures" ont un regard perdu, une violence exprimée et des tendresses cachées. Dans "La Fureur de vivre", le petit Smet trouve une résonance, puise ses références. Pose l'équation : "Je suis un rebelle." Fidèle, dès lors, à la devise du héros : "Vivons vite, la mort vient tôt." Il casse ses guitares, plie ses Porsche, se coupe les veines, se muscle les biceps, cherche la castagne, cogne des flics, joue à la roulette russe, se noie dans le whisky, crie à la nuit, se consume, consomme "mille femmes, peut-être plus". Valsent les épouses et les compagnes. "Elles désertent, dit Françoise Sagan, parce que les copains sont là. "Autodestructeur? Artisan des limites? Il suit un fil conducteur. Hallyday 90 confesse son principe : "J'ai besoin d'être malheureux. Pour, ensuite, aller mieux." Démonstration : en 1966, David, le fiston, a 1 mois. Ça va bien. Johnny enregistre "Noir, c'est noir". Le lendemain, il se suicide, pour de vrai. C'est raté. Un mois après, il remplit l'Olympia. "Je suis seul !" hurle le rescapé. "Non !" répond la foule en délire. Robert Hossein analyse l'osmose : "Ce n'est pas sa démarche dans la vie qui fidélise son public, c'est le personnage que l'on devine derrière. Il a dérouillé, payé, souffert."  

    A la fin de l'été de 1987, Paris se couvre d'affiches : lui, avec rides et sueur, l'air exténué. Sous-titre : "Johnny se donne à Bercy". Effet choc. Il y avait, de prime abord, comme une contradiction dans le message. Les vedettes, même en gros plan, restent des étoiles lointaines. Elles échappent. Lui s'offrait, selon l'ancien code où se donner signifie faire l'amour et selon le nouveau où l'on se donne à fond à n'importe quoi. Sur scène, Johnny mouille sa chemise, il s'expose, se défonce. Même dans les salles de province, avec une sono mourante, il faut qu'il colle son public au plafond. Gilles Lipovetsky interprète : "Cette dimension affective nous renvoie à la demande d'authenticité qui traverse l'individualisme contemporain." Parce qu'on en a marre du chacun-pour-soi, phrase clef des années 80, décennie postmoderne. "En plus, remarque Edgar Morin, Hallyday a trouvé une formule : son public est aussi son confident. Ce qu'il chante, ce qu'il joue renvoie à son histoire, qui renvoie à ses chansons." Long Chris dramatise la biographie et lui écrit "Je suis né dans la rue". D'autres déshabilleront l'homme sentimental de son Perfecto. L'original valide le chromo. Ce qu'Etienne Roda-Gil, l'écrivain de "Cadillac", appelle, avec un rien de lyrisme : "Gérer sa vie comme une épopée."  

    La vie. La vie représentée. Depuis 1964, "Paris Match" a consacré 35 couvertures au personnage. Sans prendre un seul bouillon. Dernier bilan : le mariage avec Dadou augmente les ventes de 100 000 exemplaires. Une liaison, une rupture, un enfant, une syncope sur scène, et les chiffres s'envolent. "Parce qu'il s'agit des événements fondamentaux de l'existence de tout individu", commente Roger Thérond, directeur de l'hebdomadaire. "C'est la vie qui vend. Au-delà, Johnny est crédible dans ce qu'il exprime, jusque dans ses outrances." 

    L'Hexagone préfère Hallyday démoli aux stars trop fabriquées. "Jamais Mick Jagger n'a eu de chagrin d'amour à en mourir, proclame Jean-Paul Dollé. Il n'y connaît rien. L'amour, c'est un truc insensé. Et, ça. Hallyday le sait. "A moitié belge, il est Frenchie jusqu'à l'ourlet de ses jeans. Annexé comme Tintin, comme Godard le Suisse. "Hallyday ? Le meilleur produit français, généreux, courageux, appliqué, bon, honnête", aux yeux de Philippe Sollers. On n'adopte pas la France sans endosser ses limites. "Comparé à Presley, il a un côté tocard continental, copie d'Amerloque mal bricolé. Pas assez dingue pour tirer sur ses postes de télé, entre deux cuillerées de beurre de cacahouète" : à sa manière, Bayon épingle l'un de nos secrets intimes le complexe provincial, face cachée de l'orgueil national. Johnny illustre l'un et l'autre. Sa "grandeur" tient à ce paradoxe. Elle répond à celle d'un pays qui n'est plus ce qu'il était, sans pour autant l'avoir accepté. Elle lui suggère les bornes à ne pas franchir, au risque d'être rejeté. "C'est un fauve, reconnaît le sociologue Serge Moscovici. Mais un bon fauve, qui ne sort jamais complètement du "droit chemin". En ce sens, il se sépare de la mythologie classique de la rock star, celle qui vit l'expérience des limites ? drogue et violence ? jusqu'à la calcination. Hallyday est un chanteur classique, entre Bécaud et Brel." Les classes moyennes françaises y trouvent leur compte. "Sans cette prudence instinctive, ajoute Pascal Ory, elles ne l'auraient pas suivi."  

       Il vaut mieux être roi en son pays plutôt qu'une guimauve internationale à la Iglesias ! 

    En trois décennies, le succès d'Hallyday n'a jamais franchi l'Atlantique. En 1962, deux albums enregistrés pour les Etats-Unis reçoivent un accueil polaire. Marché imprenable : ce pays libéral est aussi le plus protectionniste du monde. Hallyday obtient la reconnaissance d'un Carl Perkins ? le père de l'inoubliable "Blue Suede Shoes" ? qui le couronne "Roi Johnny", un soir de Memphis. Commentaire : "Il vaut mieux être roi en son pays plutôt qu'une guimauve internationale à la Iglesias !"  

    Dans le civil, ce garçon est d'une grande pudeur. Il lui arrive de rougir. On lui prête une courtoisie insoupçonnée, une gentillesse intimidée. "Il a quelque chose de gauche, d'un peu pataud, qui contraste avec son image de rocker bagarreur et me le rend très amical", dit le metteur en scène Daniel Mesguich, qui se souvient avoir couru, tout gosse, derrière sa voiture. "Je l'ai même réveillé, un jour, pour lui demander de venir voir "Andromaque", mon deuxième spectacle." La célèbre voix, au bout du fil, lui répondit comme à un ami. Richard Bohringer raconte : "J'étais dans une mauvaise passe. Hallyday a été impeccable avec moi. Grand seigneur, sans insister." Mais on le sait capable, aussi, de cruauté. L'animal défend son territoire et sa réputation. Mais ce n'est pas, à l'unanimité, l'aspect le plus frappant. Puisqu'il faut l'énoncer, laissons ce soin à Mme Duras, qui écrivit, en février 1964, ces lignes admirables : "A le voir marcher dans la grande salle vide, je comprends : c'est de la marche que la chance est partie. Quand il marche, Johnny Hallyday est comme au premier jour." Olé ! Jacques Rouveyrollis. magicien de la lumière, ne fait pas de littérature : "Dans la Tournée des enfoirés, au profit des Restos du coeur, des projecteurs suivaient Sanson, Goldman, Souchon, Eddy... Avec Johnny, je n'ai pas osé. Il est entré dans l'obscurité. Il est le seul qui existe dans le noir." Ses techniciens le surnomment, entre eux, l'Homme. 

    Roda-Gil risque une hypothèse "Johnny a, dans le grain de la voix quelque chose d'incantatoire, que l'on retrouve dans le chant andalou. On est touché, et le sens n'a plus d'importance." Hallyday, en écho : "Je n'ai jamais travaillé ma voix. Je n'ai cherché que l'émotion." Dans les errances du voyage, il a croisé, à 12 ans, des Gitans espagnols, qui l'ont initié au flamenco. Roda-Gil insiste : "Quand Johnny est face à son public, c'est un rituel, c'est une messe." Au Zénith, en 1984, Jacques Rouveyrollis et André Diot accrochent 30 tonnes de matériel aux poutrelles métalliques. La lumière sabre la scène, déploie des herses pâles autour du chanteur. Le batteur entame le dernier solo. Soudain, des flèches colorées jaillissent : elles se fichent dans le corps d'Hallyday, "terrible saint Sébastien du rock", exulte François Chaslin, dans "Le Monde". Un fidèle, lucide, avoue : " Je me demande si je ne vais pas à ses concerts pour assister à sa chute. "  

    En 1963, l'idole dormait dans un lit à baldaquin. Son secrétaire décida de faire broyer le mobilier et de monter les fragments en médaillon. 5 millions de garçons les ont exhibés sur leurs tee-shirts. Le mythe Johnny est affaire d'hommes : ils représentent 60 % du fan-club (8 000 adhérents). Patrick Faivre, membre actif, a vu des pères de famille quitter femme et enfants pour suivre les tournées. "Vous n'imaginez pas le nombre de divorces qu'il a provoqués." Roland Castro, architecte : "Moi. je le vois comme une femme fragile qu'on a envie de protéger. Le faux dur absolu." Jean-Paul Dollé, sous le blouson du "mec blond aux yeux bleus, apercevait quelque chose de trouble, vaguement hermaphrodite". Toutes les rock stars ont joué sur le thème. Johnny l'esquisse. En France, inutile de pousser la transgression, on n'est pas des puritains. Il se pose en "Chanteur abandonné" : "Il a donné ce qu'il avait/ Mais lui/ Il se demande qui il est."  

    Est-il dupe? Ou opportuniste? Est-il un enfant du siècle qui nous arnaque avec talent ? Hallyday sait ce qu'il fait. Il ose un regret : "Je suis frustré." Son biographe, Jean-Dominique Brierre, découvre sous la provoc "un énorme besoin de respectabilité". Johnny dit beaucoup de bêtises. A l'origine, il s'inventa un ranch aux Etats-Unis. Aux questions des journalistes, il répondait : "J'sais pas." Le rocker est rêveur : "Pendant longtemps, on a dit que j'étais complètement idiot. Moi, je veux bien..." A Duras, qui notait, en douce : "Il ne comprend pas ce que je veux dire. J'abandonne", M. Hallyday répond, vingt-six ans plus tard : "Je me souviens très bien d'elle. Elle était venue déjeuner. On a discuté, comme ça. Ce n'était pas une interview. Cette femme-là est trop dure. Elle ne rêve pas."  

    Anatomie d'une erreur. En 1975 sort un double album surprenant, "Hamlet". Sur la pochette, Johnny en prince d'Elseneur, avec collerette. "C'était mon rêve. Ce fut un bide." Correction: l'échec se vendit a 150 000 exemplaires. Mais Johnny H. en attendait la consécration.  

    Son credo politique : "Je m'en fous !" Les partis, il les visite, soutient Giscard, apprécie Jack Lang, pousse la romance pour le RPR et le PC la même année. Il est du côté de Coluche. Un ex-mao affirme : "Avec l'histoire qu'il a, impossible qu'il soit d'extrême droite, raciste ou antisémite." Et lui : "Je ne chanterai jamais pour Le Pen."  

    Sa dernière tentative de réconciliation date de 1982. Elle passe par l'axe BGB (Baye-Godard-Berger). On se rapproche des beaux quartiers. Il est amoureux, porte la cravate, tourne avec Godard et ose avoir "Quelque chose de Tennessee". "Les intellos se sont mis à m'inviter à dîner. Ils regrettaient qu'on ne se soit pas connus avant. Pourtant, moi je n'avais pas changé."  
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    Message par Jean Mar 10 Mar - 16:00

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    1995: ainsi parlait Johnny Guitare

    Par Sophie Grassin (L'Express), publié le 22/06/1995

    Avec "Lorada", notre rocker national espère faire mieux qu'avec "Rough Town". La preuve, Bercy l'attend pour septembre. Il nous confie ses espoirs et fait, sans complaisance, le compte de ses erreurs.

    52 ans d'âge, une belle tête de flacon malté, du goût pour la rock and roll attitude, la flamboyance et les matins fripés... Avant Bercy, Johnny Hallyday nous présente "Lorada", nouvel album "plein de références mais personnel", qui juxtapose les genres et les chansons de scène. Entre légende et petite histoire, ainsi parlait Johnny Guitare. 

    L'EXPRESS: Avez-vous fabriqué "Lorada" à la maison?

    JOHNNY HALLYDAY: Comme les confitures, oui. On en a fait les trois quarts chez moi, à Saint-Tropez. Au départ, je voulais enregistrer un "Unplugged à Lorada". Mais je me suis vite aperçu que l' "unplugged" [l'acoustique], c'était pas trop mon truc. Les guitares électriques me manquaient. Le côté minimaliste ne cadrait pas avec Bercy. Et je m'embêtais ferme.

    - Vous êtes donc revenu à vos anciennes amours?

    - "Lorada" ressemble à une réunion de famille. On y croise le rock, le blues, la country, Little Richard, John Lee Hooker, les Rolling Stones, Aerosmith, Bruce Springsteen, et... Johnny Hallyday, puisqu'un morceau comme "Je la croise tous les matins" descend du "Pénitencier". Les DJ de NRJ, qui depuis sept ans ne passaient aucun de mes albums - ni d'ailleurs ceux de mon fils - craquent sur celle-là. 

    - Ce dédain de NRJ vous ennuyait?

    - Et comment! 60% de ses auditeurs m'écoutent aussi. Quand j'ai sorti "Rough Town" [son album en anglais], je me répétais: "Là, ils vont me prélister, hein? Obligés." Total: rien. Avec "Lorada", je ne pensais pas tomber dans leur créneau... Bingo.  

    - Pourquoi avoir choisi pour paroliers Jean-Jacques Goldman et le groupe Canada?

    - Jean-Jacques Goldman et Michel Berger ont écrit mes deux plus belles chansons, "L'Envie" et "Quelque chose de Tennessee". Goldman, c'est un calme. Moi, moins. J'irais pas passer mes nuits avec lui - lui non plus, d'ailleurs - mais il me comprend bien. Et Canada a su inventer les textes que j'espérais.  

    - Leur aviez-vous donné des indices?

    - J'évite de bégayer. Alors, j'ai proscrit le thème de la solitude. Et puis, je les ai harcelés en leur répétant: "Moi, ce que j'aime, c'est Aerosmith."  

    - "Rough Town" a-t-il été un succès ou un succès mitigé?

    - En France, seuls les fans l'ont acheté. Les autres ont décrété: "On ne comprend rien." Mais "Rough Town" m'a permis de donner des concerts à la Cigale. Vingt ans que je n'avais pas fait une petite salle. Comment dire? Tout à coup, je voyais les yeux des gens.  

    - Pourquoi regagner Bercy?

    - Hormis le Parc de temps en temps, c'est ma résidence secondaire.  

    - L'idée de traverser la foule au Parc des Princes venait de vous?


    - Il s'agissait d'une connerie de mon producteur, Jean-Claude Camus: "Ce serait génial si, comme les boxeurs, tu arrivais du fond." Imbécile que je suis! Le premier soir, j'avais 80 gardes du corps. Le lendemain, 160. Mais les gens savaient tous que je me pointais par là et la foule s'était elle aussi multipliée par deux. J'ai failli crever. Après, ils m'ont demandé la même chose en tournée: j'ai dit non.  

    - Jacques Chirac président, les militants vous attendaient à la Concorde...


    - Il n'a jamais été question que je m'y rende. Cela dit, chiraquien depuis vingt ans, j'ai voté Chirac. Un type droit, humain, qui sait renvoyer l'ascenseur. Il est venu dîner ici. Sans gardes du corps. Serein, tranquille. Eh ben! je vais vous dire: il raconte des histoires grivoises pas mal du tout...  

    - Par exemple?

    -...  

    - Le rap, vous aimez?

    - MC Solaar, oui. Je sais que Tom Jones en a écrit un récemment. Moi, je ne pourrais pas. Ce serait ma fin. Par contre, la techno confine au degré zéro. Ça va, trois jours, du côté d'Ibiza...  

    - Qui vous impressionne encore sur scène?

    - Springsteen. Prince, même si son côté androgyne et ses talons aiguilles me font chier. Les Stones, bien sûr. J'admire leur rock and roll pur, dur, sans concessions.  

    - Des concessions, justement, il vous est arrivé d'en faire?

    - "J'ai oublié de vivre", tiens. 100% variété.  

    - Et des trucs pour l'argent?

    - Robert Mitchum, lorsqu'il tournait des navets, s'excusait: "J'avais mon toit à réparer." J'ai eu mes toits.  

    - Les paparazzi vous pourrissent la vie?


    - Je ne peux aller ni au ciné ni au supermarché acheter mes sauces...  

    - Vos sauces?

    - J'en ai plein les placards et autant à la cave. La japonaise va avec le Kobe beaf, la mexicaine avec la côte de veau. J'ai aussi 30 vinaigres différents, car j'en mets jusque dans mon thé. Un conseil: ne me prenez pas sur les sauces. - 

    On n'essaiera même pas. Votre petite-fille, vous lui ferez écouter quoi?

    - Les premiers Beatles, les Stones et...  

    - Aerosmith?

    - Vous voyez, quand vous voulez!
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    Johnny Hallyday Story - Page 8 Empty Re: Johnny Hallyday Story

    Message par Jean Mar 10 Mar - 16:01

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    Johnny Hallyday: "La musique m'a sauvé"

    Par Gilles Médioni (L'Express), publié le 18/07/1996

    Quarante ans de rock'n'roll, fêtés en novembre prochain à Las Vegas, une crinière de lion et un corps d'athlète: le grand Hallyday a décidé de coucher sa vérité sur le papier, en trois volumes. Le premier est consacré à ses vingt premières années. Destroy

    D'où vient Johnny? Hallyday le révèle enfin aujourd'hui. Il consigne toute une vie de rock'n'roll dans Destroy, une confession au titre punk qui couvre les trois chapitres de son existence (1). A 53 ans, éternel chanteur abandonné, "oui-non" de la chanson - il répondait, à ses débuts, par oui ou non, la réputation est restée - le jeune marié Hallyday, crinière léonine, corps d'athlète, épanche donc son passé et, d'abord, les années déracinées (1943-1964). En escale à la Lorada, sa propriété de Ramatuelle au style néomexicain, Johnny interrompt un instant son entraînement d'été - séances de hamac et de body-building - pour raconter l'enfance d'un yé-yé. Celle du rock français, une religion devenue aux yeux de certains une "marketing attitude". Avant le 24 novembre prochain, où Las Vegas retiendra - consécration pour Johnny Hallyday - la nuit pour son concert américain, rencontre avec "le loup aux épaules de cuir". 

    - L'EXPRESS:] 20 livres ont déjà disséqué Johnny Hallyday?

    - JOHNNY HALLYDAY: Je n'ai pas pu en terminer un seul. 

    - Parce que vous connaissiez l'histoire?

    - (Rires.) Et que tous reprenaient la même fausse image de moi, véhiculée par les journaux ou la télé. J'ai fini par coucher ma vérité. 

    - Votre autobiographie est découpée en trois époques. Pourquoi ces dates charnières: 1964 et 1984?

    - Elles symbolisent ma rencontre avec Sylvie. Et l'après-Sylvie. Nous sommes deux amis, unis par la pensée et par le coeur. 

    - Quels épisodes avez-vous tus?

    - Aucun. J'ai déterré des aigreurs, des douleurs, des conflits, ce que je m'étais toujours interdit de faire. 

    - Par exemple?


    - La défonce: je l'expose dans la deuxième partie. Ma famille: j'ai souffert de ne pas avoir de parents. De ne pas être fier de mon père. 

    - Vous rendez pourtant hommage au professeur d'art dramatique qu'il était.

    - Ses élèves - Mouloudji, Serge Reggiani - m'en ont parlé avec beaucoup d'émotion. Cocteau, Barrault, Dullin le respectaient. S'il a raté sa vie d'homme, au moins a-t-il un peu réussi sa vie d'artiste. 

    Très vite, j'ai joué tout Brassens sur ma guitare

    - Pour vous, Brassens symbolisait le père idéal?


    - Son côté pépère me rassurait. Je l'ai découvert môme grâce à Mary Marquet, qui me faisait réciter Le Petit Cheval blanc à ses cours de théâtre. Très vite, j'ai joué tout Brassens sur ma guitare. L'été de 1958, j'ai assuré son lever de rideau au Vieux-Colombier de Juan-les-Pins. Il n'était pas bavard, moi non plus. Je l'épiais en coulisses. Il posait sa pipe avant d'entrer en scène et la saisissait à peine sorti. 

    - Fermez les yeux et décrivez votre chambre d'enfant.

    - Minuscule. Un cosy que je me suis construit. Une couverture indienne. Sur la cheminée, un bateau. Partout, des photos de Bardot. 

    - Vous avez 15 ans. Où traînez-vous?

    - Square de la Trinité, dans le IXe arrondissement. C'était le rendez-vous des faux blousons noirs qui se prenaient pour des James Dean... à scooter. On provoquait des bastons à la patinoire Saint-Didier, on affrontait la bande du Sacré-Coeur. 

    - Vous suiviez l'école de la rue?


    - Le chemin des voyous. Je suis devenu un as de la choure [vol] après avoir étudié Les Tricheurs, de Marcel Carné. Rien ne me résistait, surtout pas les Vespa. La musique m'a sauvé. Je me suis fait un petit nom en reprenant Presley dans les PX [bases] américains de Chantilly. 

    - De quelle façon rencontrez-vous Eddy Mitchell?

    - En lui piquant tous ses disques de rock lors d'une boum. Plus tard, il est devenu, avec Carlos, l'un des mes rares amis historiques et authentiques. 

    - Comment était Eddy à l'époque?

    - Il était coursier au Crédit lyonnais. Un coursier diabolique, fou de ciné, cool, caustique. 

    - Et Dutronc?

    - Dutronc évitait les bandes et le square. Il était plus B.C.B.G. que nous, et très timide. On s'est rencontré au Golf Drouot - le Golf représente mon meilleur souvenir d'adolescence - il jouait avec El Toro et Les Cyclones. Les groupes portaient de ces noms... 

    - Maurice Chevalier a été le premier à vous soutenir?

    - Il m'a reçu chez lui, à Marnes-la-Coquette, bien avant que ça marche, m'a encouragé et refilé le précieux conseil de toujours soigner son entrée en scène et sa sortie. Trenet, Aznavour, Devos m'ont également bien aidé. Je suis passé "en anglaise" de Raymond Devos, à l'Alhambra, en 1960. Le balcon hurlait pour moi. Mais l'orchestre m'insultait. La direction m'aurait viré si Devos n'avait menacé de tout annuler. 

    - Vous venez de reprendre L'Hymne à l'amour, d'Edith Piaf. L'avez-vous rencontrée?

    - Une seule fois, pendant mon premier Olympia. Un soir, Bruno Coquatrix, qui habitait juste au-dessus de la salle, m'a intimé: "Viens à la maison, y a des pâtes." Piaf trônait, impressionnante, devant son litron et son saucisson. Elle m'a lancé: "Toi, tu mérites de chanter de plus jolies chansons." 

       Je suis vraiment né en même temps que Johnny Hallyday. Smet ne m'a jamais intéressé

    - Vous dites avoir "tué" Jean-Philippe Smet au palais des Sports, en 1961?

    - Je suis vraiment né en même temps que Johnny Hallyday. Smet ne m'a jamais intéressé. La thérapie du rock a fini par complètement l'évacuer. Je me suis fait violence pour le ressusciter. 

    - D'où est venue cette idée de Las Vegas?

    - En 1963, j'ai fait, seul, l'aller et retour à Vegas pour toucher de près le mythe Presley. Cette année, anniversaire des quarante ans du rock, j'ai voulu m'offrir cette folie. Plutôt que de réinvestir une nouvelle fois Bercy. 

    - Françoise Sagan vous fait dire, dans Quelques Cris, un texte de votre album à venir, "... La solitude brise ma voix/ L'écho de ma vie me fait peur."

    - Des paroles faxées par une écorchée à un autre écorché. 

    - Jacques Chirac a dîné chez vous. Vous a-t-il invité à l'Elysée?

    - Oui, avec Michel Sardou. Jacques Chirac est un homme simple et droit. Un fana de bière qui arrose son coq au vin de Corona. Je le connais depuis longtemps, il n'a pas pris la grosse tête. Ce n'est pas un président pédant comme certains l'étaient. Et, croyez-moi, j'en ai vu passer.
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    Message par Jean Mar 10 Mar - 16:02

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    Après une pause tropicale, Johnny revient

    Par Florence Castelnau-Mendel (L'Express), publié le 22/01/1998

    Finie la bourlingue tropicale. Obispo lui a concocté un album sur mesure: Ce que je sais

    Johnny est revenu. La mer nous l'a rendu. Il a quitté les lagons paradisiaques pour repartir, toujours plus fort, à l'assaut des charts - un album réalisé par Pascal Obispo, Ce que je sais (Mercury) - mettre le Stade de France à feu et à cran (82 500 fans attendus les 4 et 5 septembre prochain) et les coeurs à vif. Bref, voici Johnny Hallyday prêt à rebondir sur sa légende, solide comme le rock. Cinquante-quatre ans de joies et de peines, mille et une notes qui résonnent encore. On a tous en nous quelque chose de Johnny. 

    Le cheveu hérissé, le bouc mal foutu (la grippe l'a saisi à la descente de l'avion), il reçoit dans sa maison abritée derrière les grilles noires d'une villa du XVIe arrondissement de Paris, s'excuse pour le désordre (un carnet de rendez-vous traîne près du téléphone sur le grand canapé bleu tiré à quatre épingles) et explique: "Il faut que je réapprenne à vivre chez moi"; avant de rafler son paquet de gitanes et de s'installer en face de vous. Souriant. "On y va?" Allons-y. 

    L'appel de la musique, irrésistible, est venu briser net une fainéantise chaloupant sous les tropiques: "Le bateau, c'est génial, mais au bout de six mois j'en ai fait le tour. A force de naviguer, on finit par perdre contact avec la réalité. Et ça, très peu pour moi." A Paris, l'entourage s'agite, bat la campagne à la recherche d'un maître d'oeuvre. Lors d'une escale à Cuba, au printemps de 1997, Johnny récupère une première cassette, signée Pascal Obispo. Au panier, la cassette: "On me l'a mal présentée, mal fagotée. J'ai pas aimé, trop variétoche, trop midinette." Le chanteur lance alors un signal de détresse à son directeur artistique. "Je cale, trouve-moi quelqu'un." Juillet 1997, le Only You-I (loué, pas acheté) accoste à New York, où l'attend Pascal Nègre, de chez Mercury, une deuxième cassette en main, chantée par Pascal Obispo en personne. Cette fois, le déclic se produit. Obispo rapplique en Concorde, sympathise, hume l'atmosphère, prend des repères, accepte la consigne: "Plus rentre-dedans, vas-y à fond la caisse." "Pauvre Obispo, il était en pleine tournée, mais on ne les a plus lâchés, lui, et ses paroliers. Pierre Jaconelli, Didier Golemanas, Lionel Florence et Zazie. On a bien fait." Affirmatif. 

    L'album Ce que je sais colle à la peau, à la voix et aux émotions de Johnny. Tour à tour déchaîné, écorché, enragé, douloureux, fiévreux, torturé. Les riffs de guitares plus rock' n' roll que jamais répondent aux trémolos des violons, et Hallyday interpelle le temps qui passe: "J'ai pas vu le temps venir/ Où je n'aurai plus que des souvenirs/ J'ai pas vu l'amour jaunir/ A force de n'en vouloir que le plaisir"; hurle son credo: "Que jamais rien ne finisse/ No limit, no limit/ Au nom du Père et du fils..."; pique une colère: "Si je te dis plus rien/ Dis-le moi/ Mais ne me dis pas que je me bats/ Que je me bats/ Contre des moulins à vent"; et prévient, électrique: "Je veux la foudre et l'éclair/ L'odeur de poudre, le tonnerre/ Je veux la foule en délire." Tel un "lion", un "loup", un "aigle". Irremplaçable, vous êtes, cher Johnny. 

    A propos, avez-vous pris conscience d'avoir mis le pays en émoi avec vos mauvaises fréquentations? Moue du pécheur: "Bon d'accord, je parle de la drogue, et alors? Personne ne s'étonne quand on s'arsouille au pastis ou au gros rouge. Il y a une telle hypocrisie dans tout ça! Moi, je fais ce qui me plaît, mais je ne suis pas un exemple pour les mômes. Sincèrement, je leur déconseille de prendre quoi que ce soit." Faites passer. 

    Et la fête au Stade de France, vous la voulez comment? Là, les yeux bleus se plissent et pétillent: "Apocalyptique. Avec mon groupe et 100 musiciens de l'Orchestre symphonique de Prague." Avant de préciser, l'air filou: "Et j'ai trouvé un bon coup. Un peu dangereux, mais ça va chauffer!" Fort, très fort. C'est promis.

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